DOCUMENTAIRE – Dès 13 ans **
de Walid Hajar RACHEDI
Éditions Actes Sud jeunesse – Collection (Ceux qui ont dit non) – 9.90 €
Les éditions Actes Sud jeunesse confient à Walid Hajar Rachedi le projet de faire l’exégèse du parcours de Camus qui dit « non « à la division » dans une période qui va de 1957 à 1960.
Walid se fait à la fois journaliste et écrivain.
Le journaliste décrypte les évènements qu’il inscrit dans une fresque chronologique.
Le romancier fait vivre trois personnages dont le destin se croise dans la guerre que se livrent le FLN et la France.
A Paris, ce 12 octobre 1957, Albert Camus vient de se voir décerner le prix Nobel, à quarante-quatre ans…
Le voilà intronisé au Panthéon de la littérature mondiale.
Quelle ironie de recevoir cette distinction à un moment de sa vie où il est si peu en situation d’écriture, en délicatesse à Alger après la manifestation-conférence pour revendiquer une trêve civile en Algérie qui a failli tourner à l’émeute en 1956.
Ses pensées vont à sa mère et à son instituteur qui ont bravé les convenances sociales pour faire du gamin de Belcourt un homme de Lettres mondialement connu.
Depuis le premier novembre 1954, la guerre contre la colonisation s’est installée dans son Algérie.
Est venu le temps de l’écrivain engagé avec le refus de mentir sur ce que l’on sait et la résistance à l’oppression.
Est venu le temps de l’affirmation d’une Algérie juste où les deux populations doivent vivre en paix et dans l’égalité dans un régime pleinement démocratique.
A Stockholm, les 13 e14 décembre 1957, Saïd, a quitté sa Kabylie pour découvrir le monde et éprouver les limites de sa solitude et de sa liberté.
Il a trouvé l’amour et le confort de la vie suédoise mais la lumière de sa Kabylie natale lui fait encore cruellement défaut quand il faut affronter ces jours d’hiver qui ressemblent à des nuits… Surtout depuis que la révolte contre la colonisation nourrit une répression toujours plus sanglante… et le sentiment que la guerre tue les siens… les siens en premier lieu.
Mais les destins se croisent, le Prix Nobel donne une conférence pour les étudiants. Saïd y sera.
Il veut dire sa souffrance à Camus les yeux dans les yeux..;
« Pourquoi est-il si prompt à signer des pétitions en faveur des européens de l’est et pourquoi un aussi grand silence face à notre lutte pour l’indépendance de l’Algérie ? »Avec émotion, Camus répond que ses propositions sont connues mais qu’intervenir dans le débat ne ferait qu’aggraver la terreur ambiante.
Il lui répète son engagement :
Il condamne la terreur et le terrorisme qui s’exercent aveuglément.« Actuellement, on lance des bombes dans les tramways, ma mère peut se trouver dans un de ces tramways. Si c’est ça la justice, je préfère ma mère ».
Voilà Camus, l’homme qui dit «Non », aux prises avec tous ceux qu’il dérange :
– Jean-Paul Sartre qui est un inconditionnel du FLN et loue les vertus rédemptrices de la violence révolutionnaire pour expier les fautes de la colonisation alors que lui ne peut se résoudre à l’idée.
Camus refuse que « le sang des innocents soit le tribut à payer pour construire l’Algérie nouvelle. »
– Le chroniqueur du journal « le Monde » qui écrit que le Nobel de littérature épris de justice ne serait en réalité qu’un fils de « petit blanc, un pied-noir incapable de penser sa terre natale au-delà du sort fait aux siens ».
Voilà venir Karim…
C’est en avril 1959 à l’heure de la pause-café que Saïd est abordé par Karim, un étudiant en droit à l’université d’Alger qui reconnait celui qui avait osé alpaguer le grand Camus !
Avec son Association d’étudiants algériens de Suède, Karim a été de toutes les actions développées par Camus et notamment la conférence-manifestation pour un appel à une trêve civile en Algérie en 1956 qui avait dégénéré.
Il porte un autre regard sur le chemin parcouru et se livre à une véritable plaidoirie en faveur de l’écrivain.
Il dit à Saïd ce que sa colère ne lui avait pas laissé entendre le jour de leur rencontre.
Saïd comprend dans sa chair son aversion pour la violence et sa peur de voir la vie des siens en danger mais il interroge Karim : « l’Algérie pouvait-elle mettre fin à cent trente années de colonisation sans cette révolte armée ? »….
Et on croit entendre aussi le Sisyphe de Camus :« Et pour n’avoir pas su vivre ensemble, deux populations, à la fois semblables et différentes, mais également respectables, se condamnent à mourir ensemble. »
Un excellent livre qui dit toute la complexité de cette époque et qui aborde des thèmes qui résonnent encore tragiquement dans l’actualité mondiale.
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