ALBUM / DOCUMENTAIRE / POÈME ÉPIQUE – Dès 9 ans
Alain SERRES pour le texte, les photographies et la conception
ZAÜ pour le dessin
Éditions Rue du monde – 18€
« Je n’oublierai jamais… »
Voilà l’année 18 et l’armistice du 11 novembre.
Le jeune poilu « Machin» redevient le paysan Mathurin.
Il marche vers le retour à la vie, avec en bandoulière, une caisse de bois blanc qui déborde de cinquante objets qui content sa guerre en mille morceaux et dont il veut faire un petit musée pour la paix…
Cent ans plus tard Alain Serres et le dessinateur Zaü mettent en scène ces objets pour faire revivre la guerre du paysan Mathurin, redevenu pour l’occasion, le poilu « Machin ».
Cela donne un documentaire historique rigoureux et méthodique qui, au fil des pages, se meut en un poème épique poignant de chaleur humaine qui donne à vivre, sentir et ressentir toutes les dimensions d’une guerre totale pleine d’horreur et de grandeur.
Un livre prenant qui ne vous lâche pas.
Sans doute le point d’orgue du remarquable travail des auteurs de littérature jeunesse qui, tout au long de ces quatre années du centenaire ont œuvré pour faire découvrir toutes les facettes de la Grande Guerre.
Ce magnifique ouvrage est la symbiose parfaite de la description documentée des objets qui sont les étonnants artefacts d’une guerre totale, du dessin qui la met en scène et de la parole du soldat qui veut « ne jamais oublier et se souvenir de tout ».
Il y a d’abord ces figurines de soldats et tous les produits dérivés d’une entreprise de propagande à destination des grands et des petits qui depuis si longtemps préparent les esprits à la guerre…
Il y a soudain cette affiche venue de nulle part qui tombe partout et qui, à partir de dimanche, mobilise, ordonne, réquisitionne, punit et propulse vers l’obscurité de la guerre…
Il y a désormais le clairon qui hurle « debout machin, oublie, marche, repousse »…même si l’harmonica du copain joue en sourdine un petit air d’humanité…
Puis dire comment au fond de la tranchée, le museau perdu dans le ventre de la terre, les soldats nourrissent leur imaginaire à partir des objets de la guerre :
– l’obus de 60 aplati sur lequel Ahmed d’Oran grave le portrait de son vieux père…
– le coupe papier en forme de boomerang que l’australien se fabrique pour ouvrir le courrier qu’il ne recevra jamais…
– la motte de terre de la tranchée où l’on enfouit une tête épuisée comme dans l’oreiller du lit chaud de sa lointaine maison…
– la lanterne pliable Moujardet source de lumière dans la nuit quand elle ne fait pas de vous une cible…
– la boîte à grillon et la crécelle qui annoncent l’arrivée des gaz mortels…
– la métamorphose des balles qui tuent ou protègent et se font porte- plumes au service de lettres d’amours devenues impossibles et qui souvent ne partent jamais…
– l’appareil photos de la propagande militaire devant lequel on fait semblant d’être fort alors que l’on est brisé…
– les cartes du temps de Noël qui rendent tristes…
– le luxe de la petite boîte de chocolat que l’on ne peut ouvrir que sur ordre….pendant qu’à l’arrière, la grande bourgeoisie s’empiffre au Champagne…
Et enfin ces balles de silence que les chefs font tirer pour faire taire ceux qui crient ne plus vouloir être les sacrifiés de cette guerre infâme !
C’est pathétique et grandiose.
Notre coup de cœur pour le centenaire de l’armistice du 11 novembre !
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