ALBUM – Dès 9 ans **
de Tomi UNGERER
traduit de l’anglais par Rosalind Elland-Golsmiths
Éditions L’école des loisirs – 18,80€
Les histoires de Tomi Ungerer n’ont jamais été des contes de fées sirupeux où tout allait toujours bien.
Le géant de Zéralda, Jean de la Lune, les 3 brigands, indisposent le lecteur (grand ou petit) et l’obligent à réfléchir, prendre parti, anticiper.
Juste à temps ! ne déroge pas à la règle. Il est même plus terrible que les autres en un certain sens, car il évoque la fin du monde, laquelle a déjà eu lieu au début de l’album.
Un journaliste du Point l’a sous-titré fort à propos « L’apocalypse pour les enfants ».Ungerer est disparu en février 2019 et cet album est posthume.« Les oiseaux, les papillons et les rats étaient partis. L’herbe et les feuilles s’étaient flétries. Les fleurs n’étaient plus que des souvenirs. Les rues et les immeubles étaient abandonnés. Tout le monde était parti sur la Lune. Vasco, resté seul, errait dans cette solitude désolée, guidé par son ombre »
Deux personnages, donc, Vasco et son ombre. C’est l’ombre qui montre à Vasco où aller, quels chemins suivre.
Vasco suit les consignes en toute confiance : il a raison car, à peine s’est-il déplacé de quelques mètres qu’il évite de justesse une série de catastrophes : le trottoir explose, un immeuble s’effondre, l’eau envahit la ville…Tout est désespérément abandonné et vide, mais Vasco rencontre tout de même un être nommé Rien qui lui confie une lettre pour sa femme.
Quelques pages plus loin, Vasco découvre l’épouse à qui il remet le courrier. Après l’avoir lue, la femme, éplorée, lui remet son enfant. « S’il te plaît, emmène mon petit Poco », dit-elle
La suite de l’histoire montre Vasco qui avance dans un monde en pleine apocalypse : l’océan gela, puis survint une canicule, des secousses qui firent exploser une station de raffinage, « les immeubles se mirent à dégouliner en coulis de gélatine lilas » et la lune devient gris marbré.Grâce à la présence de l’enfant, Vasco résiste à la peur et au doute…et à ce moment de l’histoire, l’ombre redevient normale.
La fin de ce road movie apocalyptique est un peu délirante : Vasco et le petit orphelin se réfugient dans un énorme gâteau couvert de glaçage… et l’ombre attend sagement à l’extérieur, veillant sur les deux survivants qui continuèrent à « vieillir ensemble dans ce havre de paix »
L’ensemble est poétique, déconcertant, mais tout de même plein d’espoir puisque Vasco échappe juste à temps à mille morts.
On comprend aussi que d’avoir charge d’âme lui donne le courage et l’esprit de décision nécessaires à sa survie et à celle de l’enfant.
C’est donc sans crainte que l’on peut offrir cet ultime chef d’œuvre de l’artiste alsacien : les petits lecteurs y verront avant tout une aventure pleine de dangers.
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