ALBUM – Dès 7 ans **
de Momo GÉRAUD
illustré par Juliette LAUDE
Éditions Utopique – Collection (Bisous de famille) – 15,50 €
«Petite Miss» aborde avec beaucoup de simplicité et de sensibilité le phénomène de la trop rapide féminisation des petites filles.
Momo Géraud tente avec pédagogie et sans moralisation excessive de montrer les risques et dégâts de ce jeu anodin auquel se livre les enfants et qui, non encadré, voire même parfois encouragé par les adultes, peut conduire à une réelle déviation avec des risques encourus variés et graves.
Dans une société où l’image est survalorisée, où les campagnes de publicité vantent la beauté des corps, les petites filles qui ont de tout temps aimé se déguiser, sont encore plus tentées de jouer précocement aux «grandes».
Enfiler les chaussures à talon de sa maman ou se maquiller est un jeu d’imitation. Ce jeu innocent au début, peut vite devenir malsain. Chercher à séduire son papa pour une petite fille proche du stade oedipien, lui permettre de résoudre un conflit narcissique grâce à un déguisement d’adulte est risqué, du fait du manque de maturité de l’enfant et de son innocence sexuelle. Cela contribue aussi souvent à gêner les troubles d’apprentissage.
Lola que son papa appelle Lolita (la référence est évidente) pose souvent à celui-ci une devinette (dont la référence est tout aussi troublante) : «Papa, papa chéri, qui est la plus belle ici ?»
Dans un incipit ramassé, on entre de plein pied dans le vif du sujet…
S’en suit la narration d’une petite fille de dix ans qui adore modifier son apparence et y est encouragée par sa tante (qui la photographie en talons aiguilles et bas résilles et l’inscrit à un concours de miss), par son papa qui répond avec fierté à ses minauderies, par sa maman qui la laisse utiliser sa collection de rouges à lèvres aux noms évocateurs : rouge baiser, orange volupté et l’autorise à s’entraîner inlassablement à défiler déguisée. Seul, le papy, bougon (traité de ringard), tente de mettre en garde l’enfant et son entourage.
On assiste à la préparation du bébé mannequin pour le concours de miss (avec son cortège de faux semblants) et on découvre l’enjeu dérisoire du rêve de la petite fille (remporter le premier prix doté d’un bon d’achat de 500 euros, et la diffusion de sa photo dans tous les magasins de mode d’une certaine marque…)
Quand l’enfant sort dans la rue ainsi «starisée», elle comprend enfin le côté malsain déclenché par sa tenue. Agressée verbalement par des jeunes dont elle reconnait un des membres, elle ne doit sa sauvegarde qu’à sa fuite. Chute brutale. Fin du rêve. Retour à la réalité.
Honteuse et malheureuse, elle entend enfin les arguments de son grand-père, seul capable de lui faire comprendre qu’elle est une enfant, et qu’en tant que telle, elle doit respecter les codes de son âge pour se développer harmonieusement.
Les agresseurs seront punis promet la maman.
Et eux, ces adultes qui ont joué avec l’innocence, quelle sera leur punition? Comment Lola évoluera t-elle?
Les illustrations de Juliette Laude sonnent juste. La couverture avec de petits pieds enfouis dans des chaussures très féminines bien trop grandes posent tout de suite le sujet. Les images enrichissent un texte simple et direct.
La page où l’enfant s’entraine à défiler devant ses nounours et autres poupées est poignante de vérité.
Lola déguisée en bébé mannequin et criante de vulgarité est une caricature de ce monde de paillettes et de faux semblants.
Un livre utile et simple qui parlera à toutes les petites filles qui jouent à être des Lolitas… et qui permettra peut être à des adultes de mieux remplir leur rôle de protection.
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