ALBUM – Dès 6 ans **
De Claudine COLOZZI
illustré par Elsa ORIOL
Éditions Kaléidoscope – 13.20 €
Une illustration magnifique apte à croquer le mouvement, à sublimer les portraits et à traduire les sentiments contradictoires intimes de la petite fille, personnage central de l’histoire, pour un livre dont le sujet me met mal à l’aise, et que je trouve plutôt polémique…
Daisy est choisie avec 3 autres ballerines de son cours, pour participer au ballet de fin d’année auquel assistera en spectatrice la Directrice d’une célèbre école de danse. C’est pour la petite fille une formidable reconnaissance. Mais cette nouvelle est accompagnée d’une douche froide : pas de lunettes. Or, Daisy est hyper myope.
Qu’est-ce à dire ?
La myopie c’est tabou, dégradant ?
Les lunettes c’est moche ? Super pour tous ceux qui en portent…
En vertu de quoi une danseuse munie de lunettes poserait-elle problème ?
Qui gêne t-elle ? les spectateurs sans doute ? Puisqu’apparemment jusqu’alors Daisy dansait sans encombre avec celles-ci !
Cette épreuve imposée par le prof, qui n’est ici, on s’en doute, qu’un simple rouage des règles de la discipline, est accompagnée de moqueries supplémentaires par les autres ballerines. Bravo pour la solidarité !
Cette loi est une violence terrible pour Daisy qui passe de la stupeur au cauchemar.
Une violence gratuite et injuste. La petite fille va traverser des moments déprimants mais néanmoins réussir à dépasser cette iniquité. A force de volonté, de travail, en s’entraînant à répéter dans le noir jusqu’à plus soif, Daisy va intérioriser la chorégraphie jusqu’à pouvoir tourbillonner sans avoir besoin d’aucun repère visuel…
Elle y sera d’ailleurs gentiment encouragée par sa grand-mère, ancienne danseuse, aussi bienveillante que complètement dans le moule.
Ouf ! On respire donc… Daisy réussit! Mais cette réussite est une prise de risque, car l’enfant ne peut ni anticiper les erreurs de trajectoires des autres ni les siennes propres, dans le brouillard intense qui l’entoure.
C’est probablement aussi inutile que disproportionné par rapport à l’enjeu.
Parce qu’on découvre, à la fin que Daisy n’est pas la seule danseuse à subir cette peine, (avec une phrase de conclusion un peu énigmatique) on se demande combien de temps cette loi du paraître va perdurer, et qui aura le courage de rompre enfin le tabou ?
Au vu des progrès techniques, il y aurait sans doute en plus possibilité de porter des lentilles, prothèses discrètes…
A l’heure du vivre ensemble, du dépassement des préjugés, il reste quand même dans cette discipline beaucoup à faire. Dommage que le texte sage et plutôt convenu de Claudine Colozzi n’est pas saisi l’occasion de délivrer un message politique et d’amener le lecteur et les instances de la discipline à réagir.
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