ALBUM – Dès 6 ans **
De Gilles BAUM
Illustré par Thierry DEDIEU
Éditions Seuil jeunesse – 15 €
ATTENTION CE LIVRE PEUT PROVOQUER UNE ÉMOTION INTENSE CHEZ UN PUBLIC FRAGILE !!!
Une couverture sombre, qui fait penser à l’univers d’Anaïs Vaugelade en particulier à l’illustration de son « déjeuner de la petite ogresse », un choix de couleurs éteintes, un crayonné brut au fusain cerné d’ombres, des personnages à la trogne préhistorique avec des visages prognathes, des dents énormes, des cheveux hirsutes, des yeux effrayants…
Nous voilà, chez les Ogres !
L’ univers est glauque, inquiétant, effrayant même, mais l’ histoire parle paradoxalement d’amour et pose la question de la différence.
L’album met à l’épreuve nos préjugés sur la filiation et interroge sur ce qui prime : les liens du sang ou ceux du cœur ?
Un ogre trouve dans la forêt, une toute petite fille abandonnée dans un panier. Il l’emporte chez lui et avec sa femme décident d’élever l’enfant. Quelle aubaine ! 200 ans qu’ils rêvaient de devenir parents !
Tous deux vont élever Blanche comme leur fille (quel prénom idéal). Rien n’est trop beau pour elle.
Habillée de soie, nourrie des mets les plus fins, l’enfant grandit entourée d’amour. Mais voilà qu’elle atteint l’âge des pourquoi.
Or, elle sent bien que quelque chose « cloche », qu’elle est différente de ses parents, qu’ils lui cachent quelque chose (Je cite) : « Pourquoi deux menus autour d’une seule et même table ? Pourquoi ne les suit-elle pas la nuit quand ils chassent ? Quelle est cette odeur dans la cave ? »
Incapable de répondre honnêtement aux incessantes questions de leur fille, l’ogre pense que sa place est près des hommes. Il va déposer l’enfant endormie au village. Mais, incapable de l’abandonner, s’attarde auprès d’elle et se fait capturer.
Son compte est bon. Pas besoin de procès, l’ogre est condamné à mort. Voici déjà l’échafaud.
Les villageois assoiffés de haine hurlent et lui jettent des immondices.
C’est alors que Blanche montre à ces hommes «civilisés» que cet homme n’est pas l’épouvantable sauvage qu’ils croient. Si, par un geste spectaculaire, elle ne parvient pas à arracher son « père » à la vindicte populaire, elle lit dans son regard et dans le sien seulement, une attachante lueur d’humanité.
Un album poignant, bouleversant.
Pourtant une réflexion un peu plus poussée nous fait aussi relativiser : le fait de devenir «parents» n’a pas changé la nature (la nourriture) de ces ogres. Ogres ils étaient, ogres ils sont restés. Dès lors comment en vouloir aux villageois envers celui qui a causé beaucoup de souffrances…
La spectaculaire démonstration de l’enfant ne concernant qu’elle, un cas très particulier….
Avis
Il n’y a pas encore d’avis.