BANDE DESSINÉE – Dès 15 ans *
Jean-Pierre PÉCAU pour le scenario
Eduardo OCANA pour le dessin
MAZ pour la couleur
Éditions Delcourt – 15,95€
Le 21 février 1944, le poète Missak Manouchian, un communiste arménien à la tête d’un réseau de résistants immigrés, et les membres de son groupe sont arrêtés et fusillés par les brigades spéciales françaises.
La dénonciation est volontiers attribuée au parti communiste français qui s’en est toujours farouchement défendu.
C’est pour instruire cette querelle que cette BD historique nous invite à une plongée dans le monde tourmenté de la Résistance au cours des années 1943 et 1944 pour comprendre et aider le jeune lecteur à se faire une opinion.
L’année 1943 est un tournant de la guerre qui met le parti communiste à rude épreuve :
– les alliés ont débarqué en Sicile et ouvrent un nouveau front à l’ouest.
– l’armée rouge a gagné la bataille de Kourk, elle passe à l’offensive à l’Est et presse les chefs communistes français installés à Moscou d’activer leurs réseaux.
– à Paris, au même moment, les responsables politiques font le constat que l’appareil militaire du PCF (Parti Communiste Français) est quasiment anéanti dans la capitale.
Il faut reformer les groupes de combat, ce qui semble impossible aux Francs-Tireurs-Partisans (FTP) qui agissent au plus près du terrain.
– le Général de Gaulle a unifié les réseaux de Résistance et les communistes veulent sauvegarder la place qui leur revient dans les nouvelles instances dirigeantes, mais Churchill comme de Gaulle apprécient très peu les actions terroristes des FTP qui compliquent les relations entre la Résistance et la population.
C’est dans cette situation complexe que le PCF va faire appel à Missak Manouchian, un immigré arménien poète et militant du PCF, en lui confiant la mission de créer trois détachements qui vont constituer le FTP-MOI (Francs-tireurs et Partisans – Main d’œuvre immigrée) afin de reprendre les opérations le plus rapidement possible pour imposer l’image d’un PCF comme la plus importante force de résistance dans la capitale… alors qu’il n’en a plus les moyens.
Manouchian est un militant communiste discipliné mais lucide qui va construire, dans une relative autonomie, le groupe qui va entrer dans la légende.
C’est ce cheminement que l’album met en scène en croisant systématiquement les images et les dialogues qui rendent compte du déroulé des actions en 1943 avec les débats qu’animent les chercheurs en histoire à partir des années 1960 avec Aragon, Léo Ferré ou Jean Vigo.
Cela donne un ouvrage difficile et parfois confus.
Le dessin a le style des comics américains d’après -guerre qui sied bien au sujet traité.
Avec Manouchian, le jeune lecteur découvre une résistance plus mobile qui se détourne du centre de Paris, la rue devient le seul lieu où on échange des consignes et des informations ; on entre dans une sorte de clandestinité dans la clandestinité…
L’argent arrive avec parcimonie et les munitions font défaut…
Chaque action doit être un coup d’éclat qui marque l’opinion et la « centrale » en demande toujours plus et tout devient plus dangereux….
Il y a les coups d’éclat, puis viendra le temps des tués, des blessés qui meurent sous la torture sans parler, puis la délation et le piège qui décapite le groupe…
Longtemps après, viendra le temps des questions, imprudence…sacrifice… délation…trahison… par qui ? et pourquoi ?
Le silence assourdissant de tous les acteurs pour toute réponse !
Le jeune lecteur devrait, à défaut de réponses, trouver des éléments de jugement avec cet ouvrage.
Citons pour conclure un extrait de réponse fourni lors de la sortie du film « l’affiche rouge » :
« La mention « FTP-MOI » a été totalement occultée des cérémonies mémorielles car il fallait valider que la Résistance avait été française avant tout, et non pas animée par des étrangers, communistes et juifs de surcroît. Le PCF, en quête de légitimité, a accepté comme les autres de se prêter à cette manœuvre…»
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