BANDE DESSINÉE – Dès 15 ans *
de Jaime MARTIN
Éditions Dupuis – collection « Aire Libre » – 24 €
Voilà une bande dessinée qui a IFNI pour toile de fond, ce territoire marocain, accordé par traité à l’Espagne en 1860 et sur lequel Franco fit valoir ses droits lors de l’accession du Maroc à l’indépendance.
Il en résulta une guerre sans début ni fin que l’armée espagnole mena dans l’indifférence générale et dans le plus grand dénuement.
Dans sa volonté de faire œuvre créatrice, un jeune espagnol se confronte pour le même événement à des récits différents :
– Le sien, jeune écrivain, et celui de sa « copine » est inscrit dans l’Espagne d’aujourd’hui (on vit le jour avec sa copine, on a pour idéal une belle voiture avec confort et gadget, on gagne peu et le soir on retourne vivre chez papa et maman)
– celui de ses parents qui ont vécu l’univers gris de Franco (fiançailles, service militaire, mariage, procréation) ont subi la « guerre oubliée » et profite maintenant des bienfaits de la société de consommation.
– celui du grand père du garçon franquiste et machiste.
– celui de la grand-mère de la fille qui a gagné son indépendance et son autonomie pendant la guerre civile tout en gardant des pudibonderies qui tiennent beaucoup à la prégnance du clergé espagnol et à la force de ses interdits sur la vie sexuelle des espagnols.
Las des affrontements avec son fils, le père fini par lui confier le journal au
quotidien de sa guerre en IFNI.
Notre jeune écrivain découvre alors le récit de l’histoire immédiate, un monde de l’absurde avec ses horreurs que l’on tait :
– l’ennemi que l’on voit si peu mais qu’il faut toujours tuer car il a violé vos femmes restées en Espagne.
– la fraternité de la vie militaire, habillage de ses frustrations que l’on peut déverser sur l’autre.
– la faim, la maladie, les parasites…
– les frustrations sexuelles malgré l’aumônier qui rappelle que lorsqu’on parle des femmes il faut penser à la vierge Marie.
– la mort toujours présente qui récompense le brave et sanctionne le lâche.
– les caïds qui s’affirment dans l’organisation du marché noir.
– un marché noir où les pelotons de la mort servent souvent à troquer un sanglier avec l’ennemi.
Quelques instants de bonheur sur la plage…ou avec les mascottes pendant que l’on marche sur la lune et que les Beatles chantent à Madrid…et que s’envole leur jeunesse !
Notre jeune aura avec son père un dernier dialogue pour essayer de comprendre…comment son père a pu développer un récit où il dit avoir finalement aimé cet enfer…où il retournera bientôt en vacances !
Voilà une longue histoire dont on apprécie qu’elle soit traitée en un seul tome, une histoire qu’il ne faut surtout pas lire au premier degré sans tenir compte des contextes historiques et sociologiques, dans lesquels s’inscrivent les trois générations de personnages.
Les dessins en gris, en couleurs ou sépia et des textes qu’il faut faire l’effort de lire finissent par constituer une fresque historique de qualité doublée d’une réflexion sur les contradictions des récits qui font l’histoire…
Nous noterons :
– l’actualité de ces guerres oubliées avec les tensions à Gibraltar ou avec la guerre des Malouines pour ne pas parler des tensions récentes entre la Chine, le Japon ou le Vietnam autour d’îlots dans la Mer de Chine.
– le caractère récurrent de ces récits de guerre embellis par ceux qui ont survécu à propos de la guerre d’Algérie, d’Indochine ou de la rap Résistance…
A noter aussi page 9 une recette de la paëlla… que l’on a vraiment envie d’essayer…comme en IFNI.
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