BANDE DESSINÉE – dès 15 ans
Christian CAILLEAUX pour le dessin
Hervé BOURHIS pour le scénario
Préface de Carole AUROUET
Éditions Dupuis – Collection ( Aire Libre) – 32 € avec le soutien de France Inter
« Jacques Prévert n’est pas un poète »
C’est le titre provocateur en forme d’accroche de ce biopic dessiné en un tome de 232 pages couleurs qui est publié pour commémorer les 40 ans de la disparition de Jacques Prévert.
Cailleaux pour le dessin, Bourhis pour le scénario et Carole Aurouet pour la préface conjuguent leur savoir, leur travail et leurs talents pour nous livrer « la geste graphique et littéraire d’un révolutionnaire des lettres devenu légendaire ».
C’est à Carole Aurouet, chercheuse, qu’il revient dans sa préface de dégager les constantes qui structurent le parcours hors norme d’un artiste multiple et foisonnant dans un siècle tourmenté :
-un titi parisien qui se construit dans la rue car il n’aime rien moins que l’école buissonnière
– un esprit rebelle, la contradiction chevillée au corps
– un ado qui chemine parmi les petits boulots, détourne les jeunes filles du droit chemin et sème la zizanie avec un sens accompli de la provocation
– un adulte sanguin, borderline souvent alcoolisé
– une vie de rencontres et de ruptures où il se meut avec talent et irrespect au milieu d’une époustouflante galerie de personnages
– un magicien des mots qui inscrit les réalités du quotidien et le langage populaire dans une poésie libérée des artifices d’un académisme ampoulé
– celui qui invente « l’agit prop » et installe le théâtre ouvrier dans la rue ou à l’usine
– celui qui résiste mais reste farouchement opposé à la guerre
– le scénariste qui fait du cinéma un art populaire avec des noms d’acteurs, des titres qui résonnent encore dans le monde d’aujourd’hui
– le parolier qui fait chanter les plus grands
– le concepteur du premier dessin animé français…
Ce que la chercheuse explique, Cailleaux et Bourhis le donnent à vivre dans une somptueuse fresque graphique de 232 pages qui est tout à la fois un formidable voyage dans le temps et une véritable immersion dans l’univers de Prévert.
Chaque page est un espace multiple, foisonnant, déstructuré et constamment réinventé.
Prévert y est tout à la fois le conteur et l’acteur de sa vie.
Le phrasé est juste, c’est la langue, la gouaille, le lexique et la verve intarissable du « titi parigot » qui, par la magie des mots, bouscule les ordres établis avec une lucidité cruelle et sensible et une volonté farouche de chercher à voir l’envers du décor quand on lui montre l’endroit avec par trop d’insistance !
On s’y émerge en faisant la planche sur le fleuve du temps ou en remontant le courant.
Chaque page raconte un moment, une histoire, une rencontre avec un personnage qu’on croyait connaître et que l’on redécouvre…
Prévert était tout ça mais pas poète… vous l’avez bien compris !
Pourtant en 1960, un certain Gainsbourg jeta le trouble quand il vint lui présenter la chanson qu’il avait écrite sur « les feuilles mortes « et qu’il avait intitulée « la chanson de Prévert »….
Sans doute plus ému qu’il ne voulait le laisser paraître, le magicien des mots ne trouva rien d’autre à redire que « Ah bon ! »…..
Le talentueux Gainsbourg, qui n’était pas poète lui-même, l’avait fait poète….N’est -ce pas Monsieur Prévert ?
Coup de cœur pour ce somptueux album !
Un ouvrage à feuilleter, à lire chronologiquement, ou à l’envers, à reprendre, à retrouver avec la nostalgie du souvenir pour les uns, avec l’intérêt de la découverte pour les autres.
232 pages à butiner, à regarder, à rechercher l’anecdote, à deviner l’autre personnage évoqué, avec à chaque page un émerveillement sans cesse renouvelé !
Une bibliographie, une chronologie, une filmographie complètent ce remarquable ouvrage !
Coups de chapeau, Messieurs les auteurs !
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