BANDE DESSINÉE/DOCUMENTAIRE (HISTOIRE) – Dès 15 ans
de Jean DYTAR
D’après le livre de Mathieu DREYFUS ( « L’affaire telle que je l’ai vécue ») réédité en 2017
Éditions Delcourt – 29.95€
J’accuse… !
Voilà un album historique consacré à l’affaire Dreyfus qui devrait s’imposer comme un ouvrage de référence !
Jean Bydar fait le projet de nous plonger dans la tourmente de l’affaire Dreyfus qui a ébranlé la société française à la fin du XIX° siècle.
Il le fait à partir des documents de l’époque, articles de journaux, mémoires, livres ou essais qu’il organise de façon chronologique avec le souci de varier les éclairages et avec les références internet qui permettront au jeune lecteur de retrouver les originaux.
Il organise ensuite toute cette matière dans un scénario dont le fil rouge est le livre de Mathieu, le frère d’Alfred Dreyfus, « l’Affaire telle que je l’ai vécue » (réédité chez Grasset en 2017).
A chaque étape de cet itinéraire, c’est la « une » des journaux de la presse d’opinion qui donne le ton.
C’est le dessin qui met en scène.
Sous une peau hachurée, chaque image s’appuie sur une source visuelle authentique dans la tradition des pratiques du dessin d’actualité de l’époque.
Les bulles expriment les états d’âme et les raisonnements des acteurs d’une histoire en marche.
Le récit est celui à la première personne de Mathieu : « le 31 octobre 1894 j’étais à Mulhouse quand ma belle-sœur m’appela à l’aide : son mari, mon frère, était en prison pour haute trahison ».
L’affaire Dreyfus est en marche et jour après jour nous allons vivre le calvaire du capitaine Dreyfus et le pathétique combat des siens pour faire éclater la vérité dans ce qui va se révéler être un scandale d’état.
Il en résulte une somptueuse fresque en trois tableaux :
C’est d’abord le lynchage médiatique du capitaine Dreyfus accusé, sans preuve, de haute trahison, dans une affaire concernant la transmission de documents certes confidentiels mais de peu d’importance. L’armée joue la grande muette et c’est le journal « La libre tribune » du polémiste antisémite Edouard Drumont qui met le feu aux poudres en déclenchant une odieuse campagne de presse qui met d’abord l’accent sur l’arrestation d’un officier juif. D’aucuns, en haut lieu, pensent que le général Mercier, ministre de la guerre, habille de trahison son imprévoyance dans la protection des secrets militaires. Il est considéré comme aussi bête que criminel. Il n’en reste pas moins que, dans un pays à la mentalité antisémite et qui a soif de revanche sur l’Allemagne, c’est lui qui aura le dernier mot.
Dreyfus sera condamné avant que d’être jugé et envoyé au bagne à perpétuité sans que personne n’ait pu prendre connaissance d’un document qui prouverait sa culpabilité.
Vient ensuite le temps de la traversée du désert.
Chercher encore la vérité et ne pas laisser venir l’oubli c’est l’obsession de Mathieu Dreyfus.
C’est le temps des investigations discrètes avec Bernard Lazare, Auguste Scheurer-Kestner et tant d’autres.
Le jeune lecteur apprendra qu’avec l’aide d’un détective anglais, il aura recours à une « fake news », celle de la fausse évasion de l’ex-capitaine Dreyfus pour réveiller les consciences.
Il est bientôt en situation d’adresser au ministre un courrier désignant le comte Walsin-Esterhazy comme l’auteur de la lettre missive qui a servi à condamner son frère.
Dans un troisième temps le combat prend une autre dimension.
Il faut trouver des voix qui portent pour défendre la cause de la vérité.
Voici venu le temps des tribuns dans une France plus divisée que jamais.
C’est une vraie campagne d’opinion qu’il faut mener.
Voici venu le « J’accuse… ! » de Zola auquel répondra le « J’accuse… ! » de Drumont puis celui de Sébastien Faure…le Libertaire qui donne une autre dimension au débat.
La France s’enflamme !
C’est en avançant » à reculons en freinant des quatre pieds » que l’armée comme le gouvernent chemineront vers la révision du procès.
Le jeune lecteur mesurera la violence des débats et tous les obstacles qu’il faudra encore lever avant qu’en Juillet 1905 soit reconnue l‘innocence pleine et entière du capitaine Dreyfus avant sa réhabilitation devant toute l’école militaire le 20 juillet.
Voilà un album documentaire historique foisonnant qui se pose comme une bible de l’affaire Dreyfus où chacun pourra puiser selon ses besoins.
Un travail de recherche précieux au moment où les thèmes abordés résonnent encore dans la société d’aujourd’hui.
L’ouvrage donne dans l’authentique sur le registre austère et ne tombe jamais dans la facilité.
Nous le conseillons pour tous à partir de quinze ans.
Avant quinze ans, le jeune devra être accompagné pour bien intégrer le fonctionnement de l’album et trouver les démarches didactiques les plus appropriées à leur motivation et à leur âge.
La présentation en coffret, le marque-page qui explique comment accéder aux documents d’époque ou comment trouver la biographie des personnages cités en téléchargeant l’application de réalité augmentée, la trichromie noir, rouge, blanc du livre en font un ouvrage précieux pour tous les amateurs d’histoire !
Un coup de chapeau à l’auteur et un coup de cœur d’Opalivres ♥
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