DOCUMENTAIRE – Dès 14 ans **
De Caroline TRIAUREAU
illustré par Bertrand DUBOIS
Editions Bélize – 18,90 euros
D’aucuns voulaient mettre Paris en bouteille, Caroline Triaureau et Bertrand Dubois font, eux, le pari un peu fou d’inscrire des morceaux choisis de Camus dans le foisonnement graphique d’un album pour enfants qui aurait pour fil directeur les temps forts de l’histoire du vingtième siècle.
Il en résulte un ouvrage très élaboré qui intrigue, fascine, interroge et dérange parfois.
Tous les registres de la lecture sont sollicités, lecture plaisir bien sûr, lecture érudite et critique aussi et celui de voguer enfin vers les possibilités infinies de la lecture naïve.
Le premier des plaisirs est assurément celui de la « belle langue », celle d’un Camus orfèvre en la matière dont les morceaux choisis sont autant de pépites rassemblées dans un merveilleux écrin.
Le lecteur érudit cachera son plaisir de retrouver son « Camus » derrière le souci de jauger l’académisme du projet voire sa pertinence philosophique.
Il ne sera pas déçu pour autant car, au fil des pages, s’anime une galerie du temps où émergent les personnages qui sont autant d’allégories destinées à faire vivre Camus et sa pensée à travers les événements d’un siècle totalitaire et absurde où il mène combat à son corps défendant hors des dogmes et des mythes…qu’il s’agisse des guerres coloniales, de la lutte contre les totalitarismes, du refus des conformismes sartriens ou de l’affirmation dans sa vie d’homme d’une sensualité à fleur de peau que nourrit sans cesse la lumière changeante de la Méditerranée à Alger ou à Tipasa.
Ils sont tous là :
– Sisyphe qu’il faut imaginer heureux ;
– Caligula qui dans son délire croit pouvoir annoncer les épreuves de la liberté rendue à Rome ;
– Meursault , Antigone moderne, qui se perd dans la torpeur de l’été d’un monde absurde ;
– Rieux et Rambert combattants malgré eux de la Peste, comme allégorie de la résistance aux totalitarismes sans cesse renaissants ;
– les soleils flamboyants, le printemps qui prend à la gorge, la mer au tournant de chaque rue…la beauté des corps qui sentent le sel de la mer…
Tout y est même si les puristes trouveront toujours « qu’il n’y a pas assez de…ou trop de… » et tant mieux si cet album les renvoient aux œuvres dans le texte !
Évoquons aussi le graphisme des illustrations…qui crée une ambiance, une atmosphère autour des morceaux choisis…votre serviteur puriste en son genre la trouve un peu froide et par trop enfantine et cherche des références chez les grands maîtres, pourquoi pas Van Gogh ou Munch…mais peu importe puisque les choix faits par les auteurs nourrissent une réflexion.
Voilà un bel ouvrage sérieux et innovant.
Nous le recommandons à tous ceux grands ou petits qui sont curieux de découvrir ou redécouvrir Camus.
Il est difficile et exigeant par les prérequis que les puristes poseront en préalable à sa culture…mais osons la lecture naïve et l’on découvrira que, comme toutes les œuvres universelles, celle de Camus ouvre des perspectives aux esprits les plus simples.
C’est un hommage à lui rendre. Ne nous disait-il pas qu’il fallait inscrire son action hors des mythes comme des dogmes et qu’il fallait imaginer Sisyphe heureux ? !
Parents, enseignants, éducateurs pourront le tenter en lecture naïve dès le cour moyen.
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