BANDE DESSINÉE – Dès 14 ans
Marion ACHARD pour le texte et le scénario
Yann DEGRUEL pour la couleur et le dessin
Éditions Delcourt – 18,95 €
Dans un pays d’Afrique, des villageois endimanchés convergent vers le bâtiment où se tient la « commission Vérité et Réconciliation ».
C’est là que, sous la direction d’un médiateur, la communauté du village vient prendre connaissance des témoignages des acteurs et des victimes de la guerre civile qui a dévasté le pays.
La complexité des faits, leur caractère massif et la compromission de l’appareil judiciaire rendent la justice impossible.
Il faut donc constamment dépasser la frustration d’une vérité sans justice et proposer pour guérir sans juger ou mieux, écouter, comprendre pour se reconstruire.
Aujourd’hui, la commission entend Tamba, « l’enfant soldat », qui commence ainsi son témoignage :
« j’avais huit ans lorsqu’on m’a kidnappé… ».
C’est à cette descente aux enfers que nous convie cette somptueuse bande dessinée.
Le récit est celui du cheminement d’une innocence sacrifiée avec la peur comme seul ressort pour commettre les pires atrocités.
Le dessin et la couleur donnent un visage à la violence même si la belle nature africaine n’est jamais loin.
Ils ne sont bientôt plus que trois survivants, Awa la fille,Tamba et Aceyta les garçons.
Ils vont connaître des destins différents qui illustrent chacun une dimension de la question traitée.
On les verra.
– servir d’appâts dans les pires embuscades.
– encombrés d’une Kalachnikov trop grande pour eux
– aux prises avec des drogues qui leur donnent le sentiment d’une puissance surdimensionnée et qui les laissent complètement anéantis
– commettre les pires horreurs…
Le viol d’Awa les amènera à la révolte et ils sauront se faire violents avec leurs bourreaux pour recouvrer la liberté chacun de leur côté.
Aceyta rejoindra les enfants soldats de l’armée régulière et finira par se réfugier dans une marginalité « dorée » organisée autour du trafic de diamants puisque le vrai motif de cette guerre civile était le contrôle des mines de diamants du pays.
Tamba et Awa, condamnés à l’errance se retrouveront avec le statut de réfugiés dans un camp du Haut-Commissariat aux Réfugiés.
Awa donnera naissance à un garçon qu’ils appelleront Astour « parfum de la terre » et dont ils décideront que Tamba est le père pour la protéger de la vindicte liée au viol !
Au-delà de la sécurité retrouvée, Tamba finira par souffrir de l’état de dépendance et de l’absence d’avenir liés au statut de réfugiés.
Il se prendra même à rêver de retrouver ses racines.
Il faudra encore que le retour des rebelles les jette à nouveau sur les routes de l’exil pour que Tamba se décide à raconter son histoire ou le conte africain de « la hyène qui avait mangé l’espoir de la poule » à la Commission Vérité – Réconciliation devant laquelle il confessera les horreurs commises mais saura aussi interroger la conscience collective de la communauté :
– qui fournissait l‘équipement militaire à ma taille d’enfant ?
– qui étaient ces hommes qui possédaient le pouvoir de disposer des autres?
– Était-il coupable puisqu’il n’était pas libre ?
« Difficile de pardonner l’impardonnable mais il n’y a pas d’avenir sans pardon !
Il faut reconnaître un passé commun aussi horrible soit-il. »
Cet excellent ouvrage est complété par trois dossiers documentaires tout à fait remarquables :
– enfants-soldats
– les commissions vérité- réconciliation
– le Haut-Commissariat aux réfugiés
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