BANDE DESSINÉE – Pour tous dès 14 ans **
Textes de GREINER
Images de Christelle PECOUT
Éditions Dupuis – Collection (Grand public) – 14,50€
Un état d’esprit …celui de la série :
« On ne naît pas sorcière, on le devient… ».
C’est l’état d’esprit qu’affiche cette nouvelle série d’albums de bandes dessinées à travers des récits indépendants pour des destinées de femmes…singulières.
Un cadre:
Alexandrie (415 après J.C.), sa bibliothèque, son phare, ses communautés, ses sectes chrétiennes et l’empire romain qui vacille.
Une figure :
Hypathie, femme, mathématicienne, astronome et philosophe de renom.
Une question :
« En cette époque où les croyances s’affrontent que penser du débat sur la véracité des religions dites révélées quand le principe même de la révélation oblige à les accepter telles quelles ?
Ne doit – on pas simplement se soumettre à leurs commandements ? »
Le « postulat d’Hypathie » :
« les principes dogmatiques et surtout ceux des religions sont fallacieux et ne doivent jamais être acceptés comme tels…affirmer que les superstitions sont une vérité est la plus terrible des choses.. ».
Nous avons le lieu, l ‘héroïne et le ressort de l’action…
Cette B.D, à mi-chemin entre le conte philosophique et la fiction historique, peut dérouler son cours tragique.
C’est dans le tumulte d’une grande métropole romaine qu’Hypathie va s’employer à livrer combat, au nom de la raison, contre les dogmes et les superstitions.
Il y a :
- Oreste, le Préfet de Rome, aux prises avec des troubles liés à l’affrontement des communautés, qui veut imposer le droit et l’ordre romains au moment où son empereur, Théodose , se convertit au christianisme et laisse l’empire glisser vers la théocratie.
- Cyrille, le chef des chrétiens qui provoque, tue et persécute pour asseoir son pouvoir. Il a l’oreille de l’empereur et verse dans le populisme.
- Paul le moine – milicien qui mourra, victime de l’ordre romain.
- Jacques, le chrétien , fidèle à sa foi mais élève d’Hypathie .
L’engrenage des contradictions et des destins conduira à la tragédie, au massacre des hommes et de l’esprit et au « martyr » d’Hypathie .
Tout au long du récit le lecteur touche du doigt les concepts les plus abstraits :
- le syncrétisme
- la querelle des juifs et des chrétiens
- la philosophie néo platonicienne
- l’ affrontement entre l’état de doit et le droit divin
- la cité et les communautés.
- Les ressorts du fanatisme religieux
Autant de thèmes qui restent au cœur d’une actualité brûlante.
Toute œuvre artistique, aussi bonne soit-elle, ouvre droit à la critique et ce serait faire injure à Hypathie que de ne pas les formuler.
Le récit veut parfois trop prouver et il le fait au détriment de la vraisemblance.
Hypathie est toujours présentée comme une grande dame d’Alexandrie qu’elle n’était que par la force de sa pensée.
Aux prises avec le pouvoir des hommes, elle avait fini par délivrer son enseignement dans la rue ce qui la rendait encore plus redoutable aux yeux de ses détracteurs.
L’épisode où elle consulte la grande déesse apparaît comme peu vraisemblable tout comme la réincarnation aux yeux de Paul que suggère la dernière image !
Les auteurs se sont laissés aller à la force des images et à un souffle épique très judéo chrétien ! C’est dommage !
Cela ne nous empêchera pas de sélectionner cet excellent ouvrage qui peut venir en appui d’un cours de philosophie ou de l’histoire des religions et que l’on destinera aux lycéens et aux collégiens.
On prendra soin de le conseiller en même temps l’excellent film « Agora » du cinéaste Amenabar qui traite avec beaucoup de talent du même sujet et que la critique « trop judéo chrétienne » a un peu facilement rangé dans la catégorie des « Péplums » ( il est encore délicat, chère Hypathie , de présenter les chrétiens comme des persécuteurs !).
On conseillera, en même temps, aux lycéens la lecture du roman « le bâton d’Euclide « ( JP Luminet aux éditions Lattés ) qui évoque lui aussi Hypathie, la bibliothèque d’Alexandrie, Euclide, Pythagore et quelques autres au moment où Alexandrie va être conquise par …les musulmans !
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