DOCUMENTAIRE – Dès 13 ans
Ingrid SEITHUMER pour les textes
Elodie PERROTIN pour les dessins et la conception graphique
Éditions du Ricochet – Collection (POCQQ –Pourquoi ? Où ? Comment ? Qui ? Quand ?) – 13€
Voilà un essai en forme de documentaire illustré qui nous entraîne à la rencontre de la laïcité comme elle est, d’où elle vient et où elle va.
Voilà un ouvrage qui vous saute à la figure dès que vous l’ouvrez.
Il se destine aux jeunes en quête de sens dans un monde mouvant comme aux plus anciens enfermés dans les certitudes faciles d’une laïcité d’un autre temps.
Le style est direct et on convie d’entrée le lecteur au jeu du vrai et du faux à partir de dix questions puisées dans le buzz médiatique qui est le bruit de fond de notre société.
Dix questions qui sont autant de points de droit à éclaircir et dont les réponses argumentées vont permettre un retour sur les fondamentaux.
La laÏcité, en France, est d’abord un cadre juridique qui fait obligation à l’état d’assurer la liberté de conscience, le libre exercice des cultes aux seules restrictions édictées par l’ordre public.
Cette responsabilité implique la neutralité de l’état telle que définie par la séparation des Eglises et de l’Etat.
Il en résulte la création d’une sphère publique où l’état est seul maître du jeu dans les domaines de compétence qui sont les siens et un espace public où chacun, citoyen, association, religion ou parti politique, se retrouve pour vivre et débattre.
Dans cet espace, l’église peut par exemple affirmer son opposition à l’avortement sans que son opinion ait pour autant force de loi.
Le lecteur est ensuite invité à regarder ailleurs pour constater que la laïcité ne se vit pas partout de la même façon en Angleterre, en Allemagne ou au Québec.
Peu importe que les conceptions et les modalités diffèrent si les trois principes essentiels inscrits dans la « Déclaration universelle sur la laïcité au XXI°siècle » sont respectés à savoir :
– respect de la liberté de religion et de conviction
– refus de la discrimination entre les individus en fonction de leur identité religieuse
– refus d’imposer une religion d’état qui serait exclusive par rapport à d’autres.
La laïcité n’est l’apanage d’aucune nation, d’aucune culture et elle peut exister dans des conjonctures où le terme n’est pas employé alors qu’elle vacille dans des pays réputés laïques comme la Turquie.
C’est ensuite une invitation à comprendre que les religions dont les origines se perdent dans la nuit des temps sont nées des questions métaphysiques que se posent les hommes pour expliquer le monde. Chacune d’entre elle est le lien qui réunit entre eux des êtres humains autour d’un récit fondateur. Bon nombre d’entre elles comptent plusieurs milliards de fidèles !
Il en existerait 10000…
Le jeune lecteur est invité à en découvrir cinq parmi les plus connues ( le christianisme, l’islam, le judaïsme, le bouddhisme, l’hindouisme qui cohabitent souvent dans notre monde globalisé et à mesurer la complexité de la mise en œuvre d’une laïcité qui permette la liberté des cultes et la liberté de conscience…
Ce n’est assurément pas une histoire simple !
L’histoire de la laïcité est en effet une histoire tourmentée.
Pour nous en convaincre, les auteurs nous livrent un remarquable condensé de l’histoire de France sous l’angle de la relation du pouvoir politique avec le fait religieux.
C’est d’abord l’effroyable affrontement des catholiques et des protestants qui culmine par le massacre de la Saint-Barthélémy.
Vient ensuite Louis XIV monarque absolu qui fait du catholicisme une religion d’état et qui, par la révocation de l’Edit de Nantes, chasse les protestants de France.
Puis voilà la révolution qui proclame la liberté de conscience, confisque les biens de l’église, fait passer l’état civil dans la sphère publique, adopte la constitution civile du clergé, établit un régime de séparation de l’état et l’église, reconnaît le principe du libre exercice des cultes et rend le statut de citoyen aux juifs et aux protestants.
Avec Napoléon Bonaparte et le Concordat, la religion catholique n’est plus religion d’état mais « la religion de la très grande majorité des français » et les évêques sont nommés par l’état français mais adoubés par le pape.
Le XIX° siècle va être un affrontement larvé entre les tenants de la France « fille aînée de l’église » et les tenants des acquis de la révolution jusqu’aux lois de Jules Ferry qui crée une école « Laïque, Gratuite et Obligatoire » puis la loi de 1905 qui verra enfin la séparation de l’église et de l’état.
Cet excellent album se ferme sur l’évocation du malaise actuel.
La laïcité se trouve confrontée à de nouveaux enjeux dans un paysage religieux en mouvement.
La France a connu plusieurs vagues migratoires et l’islam est désormais la deuxième religion la plus fréquentée avec des pratiques rituelles très contraignantes et difficiles à adapter avec la laïcité.
Dans une France multiculturelle où les inégalités progressent, les communautés notamment religieuses ont tendance à se replier sur elles-mêmes.
La France fait face à une offensive terroriste particulièrement meurtrière.
Dans ce contexte la sphère publique réagit en multipliant les lois et règlements qui consolident la neutralité de l’état et de ses services et multiplie les interdits concernant le port ostentatoire d’insignes religieux.
Elle tend de plus en plus à les étendre à l’espace public.
Cette évolution n’est pas sans inquiéter.
A force de gommer les signes d’appartenance à une religion, ne va-t-on pas à l’encontre de la laïcité qui, outil de la liberté des cultes et de la liberté de conscience, pourrait devenir une arme contre la ou contre les religions qui dérangent.
Le lecteur, jeune ou moins jeune, a entre les mains un excellent outil pour mieux appréhender les enjeux autour de la laïcité.
Ils savent, l’un et l’autre, que la laïcité est un cadre juridique qu’il faut inscrire dans les réalités de l’époque et n’apporte pas de réponses toutes faites mais constitue un outil au service d’une citoyenneté engagée dans le monde d’aujourd’hui et pas dans la vénération d’un passé révolu.
Voilà un album qui vous saute à la figure.
Le scénario est d’une grande cohérence, le dessin d’une conception très moderne.
Le trait est vigoureux et habile à servir le sujet traité.
Les représentations sont toujours pleines de bon goût et d’élégance.
( on regrettera un peu l’usage du bleu et du rose, des tons qui sont un peu connotés et l’écriture rose est parfois difficilement lisible…).
Ce petit album est complété par un remarquable lexique et une invite à aller plus loin en proposant une longue liste de références de documents, sites internet, films , podcast, livres qui traitent de la laïcité.
Un coup de coeur d’Opalivres ♥ !
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