ROMAN – Dès 14 ans
écrit par Sarah CROSSAN
traduit de l’anglais (Irlande) par Clémentine BEAUVAIS
Éditions Rageot – 15,90 €
Il est des romans dont on sort bouleversé. C’est le cas de Moon brothers qui nous tient en haleine tout au long de ses 370 pages.
Dans une écriture limpide, aérée, écrite en vers libres, on accompagne Joe Moon 17 ans, assister du mieux qu’il peut son frère Ed, de neuf ans son ainé. Celui-ci, dans les couloirs de la mort depuis 10 ans, vient d’apprendre la date de son exécution. Seule une amnistie pourrait changer la donne, mais les espoirs sont minces.
Dans la famille Moon il n’y a plus grand monde :
le père ? mort quand Joe avait un an,
la mère ? alcoolique et instable a fui, submergée par les problèmes,
le fils ainé ? emprisonné pour l’assassinat d’un policier (qu’il nie avoir commis malgré des aveux),
la fille ? Angela, environ 20 ans, bosse dur pour apporter un peu d’argent.
Enfin le benjamin, Joe le narrateur, encore lycéen.
Il y a aussi tante Karen « Dieu merci ! ». Elle a pris les rênes de la maison, et les a tenues bien courtes. Bigote mais solide, préoccupée avant tout par le qu’en dira-t-on, elle a interdit à ses neveux de parler d’Ed et même de penser à lui depuis qu’elle a pris en charge la maison.
Joe n’a pas vu Ed depuis 9 ans. Il quitte Arligton (New-York) pour Wakeling (Texas) un bled paumé, qui ne vit que grâce à la prison. Il n’ a pas un sou en poche, un seul objectif : adoucir les derniers instants de la vie de son frère, et un mince espoir : la grâce que pourrait arracher in extremis un nouvel avocat.
Les retrouvailles, pleines de retenue au départ, évoluent vers une belle complicité. On découvre que Ed a été un père de substitution pour Joe avant son départ, qu’il a été embarqué dans un engrenage infernal qui l’a conduit tout au fond du couloir de la mort.
Le livre traite de cette relation fraternelle mais est aussi une dénonciation des dysfonctionnements du système judiciaire américain. Sarah Crossan fustige un pays où on n’est pas jugé de la même manière selon les états, dénonce le poids de la colère des victimes et de l’opinion (pour lesquelles il faut trouver un coupable à tout prix), s’insurge contre le déterminisme social (comment ne pas sombrer quand la famille est déglinguée, comment se défendre quand, coupable désigné, on n’a pas les moyens de se payer un bon avocat). Son roman est aussi un réquisitoire implacable contre la peine de mort, et la dureté de l’univers carcéral…
Un livre noir, âpre, sensible, où l’on croise des personnages magnifiques. Un roman qu’il faut lire absolument et qui montre que la littérature jeunes adultes peut aborder des sujets graves et importants.
On avait déjà plébiscité son auteure pour « Inséparables ». Bravo aussi à la talentueuse Clémentine Beauvais car Moon Brothers est admirablement traduit.
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