BIOGRAPHIE – Dès 13 ans **
de Sylvie DODELLER
Éditions l’École des Loisirs – Collection (Médium Poche) – 6,80€
Si écrire du théâtre c’est en peu de mots permettre au metteur en scène et aux acteurs de faire vivre une histoire, c’est avec des mots et rien que des mots que Sylvie Dodeller met en scène et fait vivre le fabuleux destin de Molière qui, acteur, metteur en scène, directeur de troupe et écrivain est devenu le symbole universel de l’homme de théâtre.
Pour nos jeunes lecteurs, elle déroule cette biographie dans les réalités documentées d’une époque qu’elle donne à voir et à sentir pour mieux nous faire vivre le cheminement de celui qui, dans la gloire ou les galères, sut révolutionner le théâtre en dépassant les personnages caricaturaux de la farce pour inscrire les travers de la société et les noirceurs de l’âme humaine dans le comique de ses pièces ou en créant la comédie-ballet.
Elle le fait avec le souci constant d’engager le dialogue avec son jeune public pour l’aider à apprécier la modernité, l’actualité et l’universalité du personnage et des thèmes abordés.
Comme dans tous les jeux numériques bien conçus, notre Jean-Baptiste Poquelin, petit gamin de Paris, se meut dans un univers parfaitement reconstitué.
La ville pue et le spectacle de la mort y est partout présent mais dans le même temps, elle grouille de vie.
Du côté du Pont Neuf, c’est le spectacle total des saltimbanques et des bonimenteurs qui le fascine…
Chez les Jésuites (drôle le collège !) comme à la ville, il court les théâtres et se délecte de tout, de la vie édifiante des saints, de la tragédie, de la farce et la Comedia dell ‘Arte qu’il place au-dessus de tout.
Avec lui, nous découvrons Madeleine, la belle rousse aussi intelligente que flamboyante.
Elle enflamme sa passion pour le théâtre.
C’est dit, il sera comédien !
Comme bien des jeunes aujourd’hui, il veut monter son entreprise, sa troupe, son théâtre !
L’illustre théâtre est né…Jean-Baptiste Poquelin se fait Molière.
La foi et le talent ne remplacent pas le métier…et l’oubli des fondamentaux le conduiront vite à la faillite et à la prison pour dettes.
Qu’à cela ne tienne c’est en Province et avec sa troupe qu’il va apprendre le métier du théâtre !
Acteur, il devient vite une « Bête de scène » et un directeur efficace qui apprend à composer avec la versatilité des sponsors (on parle alors de « protecteurs »).
Avec l’appui de Monsieur, frère du Roi, il investit Paris et gagne les faveurs du jeune Louis XIV.
Il innove voire révolutionne le théâtre de l’époque :
– il refuse désormais de faire « ronfler » les vers de la tragédie.
– avec « l’Ecole des femmes » il triomphe et la comédie acquiert ses lettres de noblesse (cinq actes en vers ).
On rit d’un fâcheux jaloux mais on critique surtout une société qui asservit les épouses et refuse l’éducation aux femmes…
Le « Tout Paris » grogne mais la pièce triomphe…On la joue pendant un an.
– avec Tartuffe, c’est le monde de la religion et des dévots que Molière met en scène.
Le thème est plus que subversif et malgré l’appui du Roi, la pièce sera interdite pendant cinq ans (reprise par Ariane Mnouchkine en 1990 et inscrite dans le cadre algérien de l’époque, elle lui vaudra d’être menacée d’un attentat pour les intégristes musulmans….déjà !)
– il impose la Comédie-Ballet qui conjugue le jeu dramatique avec la musique, la danse et le chant.
Nos jeunes lecteurs auront vite compris que l’on n’est pas loin de la comédie musicale d’aujourd’hui !
Dans ce tourbillon le jeune lecteur passera une journée entière avec l’homme de théâtre maître de son art et de son métier.
La fin de sa vie nous le fait découvrir tout entier dans sa complexité d’ homme mais d’homme de théâtre encore et toujours :
– attentif au théâtre de la cour dans ses fonctions de tapissier du roi très soucieux du rituel de la « chaise d’affaires »
– amoureux d’Armande la fille de Madeleine…il semble courir après une jeunesse perdue et joue un Scapin virevoltant pour encore donner le change
– malade il s’acharne contre les médecins qui ont déjà tué sa mère. Il fait tousser ses personnages pour jouer sa propre souffrance et meurt quasiment en scène en jouant « le malade imaginaire »…
Voilà un excellent ouvrage austère et exigeant qui, au-delà de l’exercice classique de la biographie donne à vivre toute une époque et éclaire toute la modernité de Molière.
Il est complété d’une iconographie très parlante et très didactique qui aurait sans doute mérité d’être mieux disposée et mieux mise en valeur.
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