BANDE DESSINÉE – Dès 14 ans (Pépite d’Opalivres)
de Vincent ZABUS pour le scénario
Thomas CAMPI pour le dessin
Éditions Dupuis – 24€
Il y a quelque chose de Hopper dans le dessin qui inscrit le récit de cette BD dans un monde immobile, familier mais lointain dont la réalité se dérobe…
Quelques personnages, quelques « laisses du temps »…et en peu de mots, l’émergence de mémoires enfouies et le choc de mondes qui cohabitent sans se rencontrer vont nous laisser entrevoir l’histoire de l’immigration italienne en terre de Belgique dans un 20°siècle tragique et nous conter le destin particulier d’Ottavio le migrant, d’Ottavio l’immigré macaroni !
Les parents du jeune Roméo se séparent et ce sont deux mondes qui s’éloignent et un monde qui s’effondre…
Voilà notre jeune héros condamné à l’exil chez Ottavio son grand-père, immigré italien au visage ravagé par les affres du temps, » vieux chiant qui pue » et vit coupé des réalités de Roméo dans un univers immobile, hanté par les tourments de mémoires enfouies que compliquent les syndromes d’un « Alzheimer » de plus en plus envahissant…
L’affrontement est dans le vide des images et une écriture qui tient beaucoup de celle du théâtre.
Notre jeune héros apprendra que pour communiquer avec Ottavio il faut parler avec les mains non pas comme les muets mais comme les italiens et prendre conscience que sa vision de l’Italie réduite aux spaghettis, au San Pellegrino et à Monica Belluci n’est pas forcément celle d’Ottavio qui respire son Italie quand il soigne sa vigne.
Lucie finira par dominer sa phobie des garçons qui veulent toujours embrasser (le charme italien !) pour aider Roméo à donner sens aux « laisses du temps » et l’on saura le prix d’un doigt et comment le cochon Musso raconte toute l’exaltation d’une Italie mussolinienne qui prend racine dans la première guerre mondiale pour se pervertir dans le nazisme germanique.
Les images vides encombrées de fantômes de mineurs, de trains déchirant la nuit, d’une femme avec enfant…finiront par raconter le caractère « stupido » de toute une génération de migrants italiens qui fuirent la misère pour « la Belgique Pays du Bonheur ».
Le mystère de la lettre achèvera de donner une touche romanesque au destin absurde d’Ottavio le migrant pathétique !
Voilà un somptueux album qui conjugue l’art graphique avec une écriture qui est celle du théâtre au service d’un récit romanesque qui traite avec bonheur de la mémoire et de l’histoire de la migration des italiens vers la Belgique industrielle.
Voilà un album jeunesse prêt pour le théâtre et le grand public.
Il est introduit par un propos sincère et délicat de Salvatore Adamo.
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