Les légendes noires

 DOCUMENTAIRE/HISTOIRE – Dès 14 ans **
Sophie LAMOUREUX pour les textes
Virginie BERTHEMET pour le graphisme et les illustrations
Éditions Casterman – 14,95 €

Voilà une nouvelle édition des « Légendes Noires », une anthologie illustrée, documentée et argumentée des «  mal aimés de l’histoire » qui, tyrans, fous, traîtres ou criminels ne sont parfois que la face sombre des grandes figures du passé.

Sophie Lamoureux et Virginie Berthemet conjuguent leurs talents pour instruire et animer une étonnante galerie du temps à la rencontre de quarante-sept personnages abominables, controversés ou méprisés qui ont fait l’histoire.

Comme Machiavel, elles campent leurs personnages dans une histoire sans morale où tous les coups sont permis et où le récit contribue souvent d’une guerre des esprits propre à toutes les époques.
Elles enrichissent leur travail d’investigation des recherches les plus récentes en soulignant que l’histoire n’est pas une science exacte et que les faits ne s’apprécient pas de la même façon selon l’époque où on les regarde.

La maquette et l’animation graphique résolument modernes, décalées et d’inspiration surréaliste donnent vie à un documentaire historique étonnant, dérangeant parfois, qui ouvre la voie à bien des problématiques qui trouvent un écho dans le monde d’aujourd’hui.

Cette galerie s’organise en quarante-sept dossiers de deux pages tous conçus selon la même maquette :
Un exemple avec Gengis Khan :

– un titre : « Gengis Khan »

– une carte d’identité du personnage: nationalité, nom, prénom, nom d’usage, date et lieu de naissance et de décès

– une accroche identifiant « le méchant » « qui fait trembler le monde médiéval de la Chine à l’Occident pour construire le plus grand empire de tous les temps »

– le slogan qui frappe les esprits « il n’y a qu’un maître sur la terre, c’est moi ! »

– une animation graphique qui le visualise debout sur les pyramides de crânes qui ponctuent son chemin

– puis le temps de l’investigation et du questionnement « sanguinaire comme les autres mais grand diplomate, militaire de génie qui pose les principes d‘un état de droit qui punit de mort l’enlèvement et le viol des femmes à l’issue des batailles. Héros national de la Chine d’aujourd’hui.

– rapprochement implicite avec Attila

Le jeune lecteur pourra tout à loisir choisir les démons noirs qui l’intéressent, établir leur réalité plus ou moins virtuelle et mesurer les complexités de l’histoire qu’il s’agisse de :

-Talleyrand, le « diable boiteux », diplomate vénal et véreux, la « girouette » qui de 1789 à 1848 aura tout trahi sauf une certaine idée de la France dont il réussira à préserver l’intégrité après le désastre de l’aventure napoléonienne

– Robespierre le vertueux qui à force de s’identifier au  peuple souverain va se muer en un fanatique sanguinaire

-Louis IX le « Saint » le roi dit juste qui en 1256 signe la Grande Ordonnance sur la présomption d’innocence avant de se faire le bras armé de l’Inquisition contre les cathares et les juifs qu’il finira par obliger à porter la rouelle, cette pièce d’étoffe de couleur jaune symbolisant les trente deniers, prix de la trahison de Judas dont l’histoire nous est aussi contée ainsi que celle de Tomas Torquemada qui pervertira le sens premier de la justice inquisitoriale.

-«  Vlad l’Empaleur », héros des Balkans dans la lutte contre les ottomans, devenu Dracula par la magie du roman et celle du cinéma.

Voilà un excellent ouvrage attrayant et fort bien fait qui montre qu’en histoire les choses ne sont jamais simples et que souvent, on préfère se divertir de la complexité en s’inventant des histoires confortables et simplistes….
À cet égard, nos lecteurs jeunes et moins jeunes pourront lire dans le dossier consacré à Hitler cette affirmation terrible « Si vous désirez la sympathie des masses, vous devez leur dire les choses les plus stupides et les plus crues… » Nous savons où cela a conduit au XX° siècle !

Apprécier la richesse de l’ouvrage suppose des prérequis historiques seuls à même de prendre le recul nécessaire à une bonne appréciation des sujets traités.
Sans ces prérequis et ce recul, l’ouvrage pourrait alimenter une guerre des esprits dans une époque troublée.

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