BANDE DESSINÉE – Dès 14 ans
Bruno LOTH pour les textes et dessins
Éditions La Boîte à Bulles – 25 €
Il y a du Gavroche et du Harry Potter dans le personnage mythique d’Ermo !
Orphelin des rues en quête en quête d’aventures, on va le découvrir inventif, courageux et magicien, capable de déplacer les objets par la force de son esprit comme de mobiliser l’aide réelle ou fantasmée du fantôme de ses parents.
Après avoir trouvé refuge au sein d’une troupe de saltimbanques, le voilà entraîné dans le tourbillon
hystérique d’une Espagne qui plonge dans la guerre civile.
La plume et le dessin de Bruno Loth font le reste et accouchent d’une bande dessinée picaresque et burlesque qui nous conte l’utopie d’un humanisme libertaire en marche qui va vite sombrer dans les horreurs d’une guerre fratricide dont les plaies mal fermées résonnent encore dans l’actualité d’aujourd’hui.
Ermo et sa troupe constituent le miroir subjectif que Bruno Loth promène dans une Espagne hystérique où l’invective et l’outrance ont remplacé le dialogue et la raison. Dans cette Espagne, les notables s’affolent, les militaires complotent, le clergé attise et l’extrême droite menace…
C’est l’affrontement manichéen de l’Espagne éternelle et catholique contre les hordes bolchéviques !
Le dessin inscrit le chaos où se débat Ermo dans un univers noir, blanc et noyé dans le gris avec des touches de rouge pour marquer le camp de l’art et des progressistes qui côtoie parfois le jaune du drapeau de l’Espagne.
Le dessin se fait aussi explosif jusqu’à l’excès quand il s’agit d’exprimer le tourbillon, l’hystérie et la confusion où s’enfonce le pays.
Sur cette toile de fond, Bruno Loth, le dessinateur, déploie son talent de portraitiste pour créer et animer toute une galerie de personnages où la perfidie des uns se conjugue à l’exaltation romantique des autres dans une étonnante fresque historique où les postulats idéologiques tiennent lieu de dialogues avec une complaisance parfois douteuse pour la vulgarité, la grivoiserie voire un goût morbide pour les images sanglantes.
Ermo et sa troupe proclament l’indépendance des artistes mais vont, vite et parfois à « l’insu de leur plein gré », se ranger dans le camp des « Rouges » et arriver à Barcelone au cœur du réacteur révolutionnaire ; là où les salles de spectacles sont désormais dévolues aux drapeaux, aux meetings et aux orateurs enflammés qui proclament la fin de l’exploitation de l’homme par l’homme et la fin de la propriété privée pendant que d’autres orateurs tout aussi enflammés proclament que «les rouges veulent voler leur argent ».
On découvre Charlot au cinéma et on exalte Don Quichotte !…
Durutti organise les anarchistes et au nom d’un « communisme libertaire » marche sur Saragosse….
On attend le deuxième tome avec impatience !
Cette fresque historique devrait susciter l’intérêt du jeune public lycéen dès la classe de troisième du collège : une génération qui n’a pas connu la guerre d’Espagne mais vit la crise née de la volonté d’indépendance de Barcelone et de la Catalogne.
L’album est d’ailleurs complété par un excellent dossier documentaire sur la guerre des espadrilles His et sa chronologie.
On ne saurait trop conseiller au jeune lecteur d’associer cette lecture à celle du prix Goncourt 2014 « Pas Pleurer » où Lydie SALVAYRE évoque l’été radieux de sa mère dans le tourbillon de la guerre d’Espagne en même temps que l’année lugubre de Bernanos et ses « Cimetières sous la lune ».
Avec Ermo et sa fresque picaresque, ils auront trois regards d’une même histoire qui résonne encore aujourd’hui en Catalogne…
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