ROMAN HISTORIQUE – Dès 13 ans
de Sophie LAMOUREUX
Éditions Talents Hauts – Collection (les Héroïques) – 14€
Sophie Lamoureux dont on connaît le talent et la rigueur entreprend cette fois de promener le miroir de la romancière dans l’enfer du Chemin des Dames pour nous donner à vivre le destin pathétique, grandiose et tellement plein d’humanité de la révolte des héros glorieux de Craonne…
Il y a quelque chose de Zola et de Germinal dans cette fresque qui déroule les méandres de l’histoire et qui sonde les cœurs et les âmes pour nous conter comment, en un instant, les cohésions patriotiques nées de la fraternité des armes vont voler en éclats et conduire de braves soldats sur les sentiers de la révolte celle des mutins de 1917 !
Le style est fluide, simple et homogène.
Les vocables militaires à la mode « poilue » donnent un texte haut en couleur où chaque personnage est un élément de la tragédie qui va se jouer.
Le découpage en séquences digne des séries qui plaisent tant à nos jeunes transforme la marche de l’histoire en un thriller haletant qui croise les regards et ouvre toujours les portes de la réflexion.
D’entrée de jeu, nous intégrons l’escouade du caporal Morlas dans le « confort d’un camion » noyé dans le flot ininterrompu de toute l’artillerie française en marche vers le « Chemin des Dames ».
Il y a là :
– Vincent le paysan qui n’a quasiment pas connu l’école mais, soldat d’instinct, il sent toujours le danger et trouve toujours les réponses appropriées et pour le coup , « il en est sûr , ce plateau est aussi difficile à prendre qu’impossible à tenir » mais il croit à la promesse faite que la victoire serait « la der des der », une « perm » assurée et le confort de l’arrière jusque la fin de la guerre…
– Dartigue, soldat de 1° Classe, enfant de l’école de la République, c’est la Cassandre de l’équipe, contestataire et brave au combat, pour qui ce déploiement de canons revient à donner la date et l’heure de l’offensive…
– Pilou, le pauvre gosse qui a menti sur son âge, qui s’est engagé pour suivre l’exemple de son père et de ses deux frères morts au combat.
Il a découvert la triste réalité de la tranchée où les héros ont souvent l’aspect d’énormes boules de boue sur pattes…
– Serge le grand qui n’a jamais de tranchée à sa taille et se trouve toujours à la merci d’un « pruneau » ou condamné à avoir « ses grandes quilles pliées en quatre ».
Au-dessus d’eux il y a aussi le Sergent Hurel, l’instituteur.
Lui, c’est l’intellectuel perdu dans la tranchée mais qui trouve toujours les arguments quand il s’agit de les défendre de la hargne de leur capitaine « Kaiser Stiz » qui déteste Vincent et tient Dartigue pour un rouge qu’il ne perd jamais de vue !
Chacun dans ce petit monde cultive son jardin secret plus ou moins fantasmé et souvent en déphasage avec la réalité.On veut certes la Paix mais sûrement pas en refusant le combat !
Cette cohésion nourrie de la fraternité des armes, de l’idéal patriotique, de la discipline militaire, de l’affrontement des caractères et des cultures est aussi instable que fragile et ne perdure que par l’infernal turn over des hommes et du peu de temps qu’ils mettent à y être tués.
L’offensive sera bien le carnage pressenti et l’escouade sera décimée dès le premier assaut .
On va entendre le chant Ô combien poignant de ceux de Craonne…
L’impossible retraite, le souci de ménager des vies et la perspective de la récompense prévue va conduire le capitaine survivant à s’en remettre à l’instinct de Vincent et de son complice Dartigue et Craonne sera conquis !
Le goût de la victoire est amer pour nos deux héros qui se vivent désormais comme deux assassins après le combat d’homme à homme qu’ils ont dû mener.
Ce fait d’arme hante leur conscience jusqu’à la nausée.
« Les boches ont repris Craonne….on y retourne…et dare dare ! » L’invective de Kaiser Stiz a la violence d’un « coup de grisou des poilus ».
Vincent le sage se fait enragé, révolté et appelle à la grève pour la perm pendant que d’autres accrochent du rouge au fusil…
On chante les « damnés de la terre »… On est toujours plus nombreux…Les gradés s’éclipsent…..Un silence de plomb s’abat enfin sur les hommes seuls avec leur conscience dans un chemin qui mène droit au peloton d’exécution…
Viendra le temps du retour des réalités, des peurs, des lâchetés, des gendarmes, de la justice militaire et des accusés pour l’exemple…
Avec Augustin l’avocat, Sophie Lamoureux explore toutes les dimensions des problèmes posés par la démarche d’une justice militaire qui ne s’en tient qu’à la faute indépendamment de la valeur de l’’homme.
Elle accompagne chacun des quatre accusés sur le chemin qu’ils vont choisir sans les juger mais avec la volonté de témoigner… même quand le choix est de déserter pour vivre.
Voilà un excellent ouvrage, inspiré d’un fait réel, que nous conseillons dès 12/13 ans mais qui sera surtout utile aux élèves des classes de troisième !
Gros coup de cœur d’OPALIVRES !
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