ROMAN – Dès 13 ans *
de Ahmed KALOUAZ
Éditions Oskar Jeunesse – Collection ( Histoire et Société) – 9,95€
De 1963 à 1981, des enfants pauvres ou orphelins de La Réunion furent transférés vers la métropole.
Placés par les services sociaux en foyer ils rejoignirent ensuite essentiellement des familles rurales de la Creuse ou du Cantal.
Sur le papier il s’agissait de gestion rationnelle de la population et pour la morale de protection, d’éducation…
On avait oublié, comme souvent à l’époque, la dimension affective.
Beaucoup constituèrent vite une main d’œuvre bon marché car la scolarisation d’enfants des rues est difficile. D’autres fuguèrent régulièrement parce que maltraités ou capables d’initiative.
Tous ont souffert d’avoir été déracinés, perdant même leur vrai prénom.
Un premier coup de projecteur sur ce drame occulté fut donné par les médias en 2000 du fait de la plainte (sans résultat sur le plan judiciaire) de JJ. Martial (Barbet) et la publication en 2001 de l’histoire de son exil forcé en métropole.Mais l’émotion retomba vite.
Vinrent d’autres actions et documents puis le film « à court d’enfants » en mai 2015.
Le texte publié cette fois reprend les faits selon l’approche particulière d’un auteur qui donne une parole reconstruite à ceux qui n’ont pas les mots pour le dire.
Son savoir-faire crée « Louis », enfant réunionnais de la Creuse, devenu un adulte plus tout jeune, sorte de synthèse de tous les exilés.
Il va donc «témoigner ».
Pendant 40 ans de labeur dans les fermes, misérablement rémunéré, il a vécu de multiples expériences.
En toile de fond se profile la campagne française de l’époque, essentiellement laborieuse, triste et fade à côté du paradis de La Réunion.
L’écrivain choisit de montrer un être plus désabusé que révolté dont le rire ensoleillé masque l’amertume.
Sa voix nous touche dans la langue simple d’un homme peu instruit mais sensible, aux talents méconnus.
Louis exprime – par la plume d’Ahmed Kalouaz avec poésie et même humour – la richesse d’une personnalité secrète que les circonstances n‘ont pas épanouie.
Sage, il sait que les arbres-souvenirs de son île survivraient encore moins que lui ici.
Honnête, il rend hommage à ceux qui ont été bons, évoque des parcours plus chaotiques que le sien.
La fillette qui l’écoute des mois durant fera tout son possible pour raviver et réaliser le rêve abandonné de Louis : revoir même brièvement son pays.
Une fin sobre et optimiste pour racheter un gâchis dont le lecteur est honteux…
Cette parution coïncide avec la promesse de créer la commission d’enquête maintes fois reportée depuis que le cas des 1615 enfants dits « réunionnais de la Creuse » a été soulevé…
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