BANDE DESSINÉE – Dès 14 ans **
Scénario TEMPOE
Dessin MOR
Couleurs DANIEL
Éditions Petit à Petit – 14.90€
Le visage altier d’un soldat africain dans un uniforme français en couverture d’une bande dessinée éclaboussée de boue couleur de tranchées donne le ton de cet album historique qui nous conte l’histoire pathétique et grandiose de Demba Diop tirailleur sénégalais dans l’enfer du « Chemin des Dames».
1917, Maginot ministre des colonies s’oppose à Blaise Diagne député africain du Sénégal sur le projet d’imposer sans concertation et par tous les moyens le recrutement de troupes de combat au sein des colonies…
Mangin prépare l’assaut final…
En quelques images le cadre historique est installé.
Couleurs, dessins, dialogues, mise en scène, c’est en jouant de tous les ressorts de la bande dessinée que ce bel album nous conte à hauteur d’hommes la saga des tirailleurs sénégalais de l’Afrique profonde au chaos du Chemin des Dames.
Le graphisme est vieillot, désuet et les tons mats donnent aux personnages un caractère d’authenticité empreint d’une grande chaleur humaine.
Les couleurs permettent d’identifier les deux entités qui vont se fondre dans le melting pot de la guerre sans jamais se confondre.
Toutes les nuances du bistre pour l’Afrique des Sénégalais où le soleil brille pour tout le monde.
Toutes les nuances du sepia pour les réalités et les paysages métropolitains dans le chaos de la guerre.
Le scénario déroule l’infernal engrenage qui mène au Chemin des Dames et ce sont les dialogues, ubuesques parfois mais toujours pleins d’humanité, qui laissent deviner en filigranes la grande marche de l’histoire.
Chaque situation est un moment d’histoire :
– campagne de recrutement qui tient plus de la razzia que de l’engagement volontaire
– « le grand bateau » qui se révèle une « Babel » de l’empire colonial français
– la découverte des qualités des soldats sénégalais à la course, au tir et au combat mais leur vulnérabilité au froid
– les palabres autour du bivouac où s’élabore un patriotisme naïf fait de culture africaine pour expliquer pourquoi il faut aider les « toubabs » français contre les « toubabs » allemands
– un phrasé « petit nègre » où le « capolar » tient une place toujours plus grande…
A mesure que l’on monte vers le nord le bistre et le sépia se mêlent sans jamais se confondre.
Sous la pluie, dans la boue, dans un déluge de feu, c’est en puisant dans ses racines que chacun cherche l’énergie de mettre baïonnette au canon, que chacun va de l’avant dans un paysage d’apocalypse et c’est dans un combat au corps à corps et à la machette que l’on fait taire la mitraille avec la protection des esprits, comme là-bas on tue la lionne.
Le « capolar » et Demba se doivent l’un à l’autre d’avoir survécu.
Ils se retrouveront unis dans la fraternité l’un avec une médaille, l’autre amputé d’une jambe dans une Afrique…inondée de soleil !
Pendant ce temps la nation célèbre la gloire des tirailleurs sénégalais, oublie leur pension et Léopold Senghor en appelle au respect…
Une autre histoire commence !
L’ouvrage est complété d’une étude documentaire « La force noire » qui explique clairement le recrutement, l’entraînement des tirailleurs sénégalais et les grandes batailles auxquelles ils ont participé pensant la première guerre mondiale.
Une excellente bande dessinée historique
Avis
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