ROMAN – Dès 14 ans *
De Stéphanie GARBER
Éditions Bayard jeunesse – 17.90 €
Caraval est-il un jeu de rôle, un roman d’amour, un conte de fée, une pièce de théâtre ? Peut-être ou plutôt tout à la fois.
Futur lectrice, lecteur, soyons clair : vous croirez avoir compris : jusqu’à preuve du contraire… Comme l’héroïne entrez dans le monde de Caraval et acceptez d’être manipulé, vous ne serez pas déçu !
Deux sœurs, Scarlett et Donatella sont sélectionnées pour participer à un jeu de piste annuel réputé pour son originalité, départ, île de Trisda, arrivée île des songes. Pays inconnu. Traversée mouvementée mais, stupeur, l’aînée se retrouve seule (ou presque)…
Le jeu consiste, pour Scarlett, à retrouver Donatella sa sœur disparue Si ce n’est fait en quelques jours (ou nuits) la FIN sera terrible.
On apprend peu à peu les détails du passé grâce aux réminiscences de l’héroïne enchâssées dans un récit chronologique de l’aventure présente. Attention ! Le temps qui s’écoule est incertain, comme le symbolise l’un des lieux de départ : une horlogerie sans lapin mais peu accueillante. Avant d’y arriver il a d’ailleurs fallu subir bien des méchancetés.
Bref :
Le roman à l’eau de rose. Un père autoritaire ou sadique impose à sa fille Scarlett de se marier dans quelques jours. Elle n’a rien contre (mais voudrait aller au bal : non ça c’est pour la fin, voyons) surtout que les lettres sympas du fiancé inconnu laissent entrevoir la liberté (ah, si elle savait !) et puis elle est obéissante, candide (pas comme sa sœur qui embrasse sans vergogne l’un ou l’autre), sage (pas comme les femmes passionnées de la famille). Elle regrette quand même le jeu zappé de CARAVAL (oui, c’est le titre) et … OH, ciel, que lui arrive-t-il ??? Elle s’endort (chloroformée) et pouf la voilà à pied d’œuvre pour enquêter, sans papa, mêlée à l’intrigue concoctée par le maître des lieux du nom de LÉGENDE (aux deux visages). Pire, elle est troublée par les hommes qu’elle rencontre ! Julian, si beau, mystérieux, ou Dante tout de noir vêtu : l’enfer ? Quel danger pour sa vertu !!
Ce conte de fée moderne reprend les éléments classiques :
– la marâtre (ici c’est le père) – les deux sœurs (l’une frivole, l’autre pas) – le fiancé officiel (pouah) – le prince charmant (déguisé en méchant) – les sortilèges (manège enchanté dont le centre ressemble à un terrier, pont magique, potion, balance des sentiments) – les épreuves d’apprentissage (affirmer sa volonté, son indépendance) – les énigmes (pour prouver son intelligence) – la fin (sans les enfants) avec suite possible (lettre finale d’ouverture). Au cours du « jeu », Scarlett au pays des merveilles va apprendre à aimer, penser seule, raisonner, déjouer les ruses, cerner la réalité et découvrir qui se cache sous les masques trompeurs…
Sur l’île des songes se déroule chaque année une gigantesque représentation théâtrale ; en témoignent des balcons aux tentures de velours carmin qui surplombent les lieux. Les décors représentent une ville entière. Des acteurs au maquillage plus vrai que vrai interviennent au milieu de la foule, s’échappent par des coulisses invisibles, souterraines, et respectent un scénario interactif. L’intervention des spectateurs et des joueurs en quête d’indices permet des variantes qui pimentent l’action. Le gagnant verra son souhait exaucé s’il retrouve la jeune fille disparue. C’est un « carnival game » avec manège, tentes pleines de surprises et machinerie sophistiquée pour escamoter portes et couloirs, jouer sur les couleurs et costumes, faire croire à la magie. Comédie ou tragédie ? Scarlett se perd dans un jeu d’amour et de hasard qu’elle ne parvient pas à maîtriser. Qui est qui ? Les masques une fois tombés et les acteurs ressuscités, ceux qu’elle aime reviendront-ils?
CE QUI EST SÛR,
C’est le tourbillon verbal entraînant la lecture dans une approche visuelle des objets ou lieux. La richesse des qualificatifs, les descriptions fouillées permettent d’imaginer les effets spéciaux qui émailleront le film à venir (droits déjà acquis). Toutes les sensations de Scarlett (bien nommée puisqu’elle rougit pour un rien d’où un jeu de mot – crimson crimson – fâcheusement traduit par scarole) sont colorées. Une imagination foisonnante est sans conteste à l’œuvre dans ce livre, la plus belle trouvaille concernant la robe changeante. La confusion généralisée sur les identités des gens rencontrés pourra gêner mais elle oblige à s’identifier à l’héroïne et ne relève sûrement pas d’une négligence de plume. Un ouvrage très original, pensé, construit ; un bon divertissement plus complexe qu’il n’y paraît.
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