CONTE – Dès 12 ans **
De Lisa BRESNER
illustré par Aurore de LA MORINERIE
Éditions Memo – 15 €
S’agissant d’un livre d’art au texte poétique, l’âge des lecteurs importe peu, l’absence d’a priori … beaucoup. Dès 6 ans ou au-delà, c’est la curiosité qui permettra d’entrer en résonance avec Quatremers le Céleste. Dans tous les cas, l’approche ne pourra qu’être méditative tant chaque mot soigneusement choisi est une allusion – concise ou allégorique – à la culture de la Chine ancienne, à ses coutumes et paysages.
Pour les plus jeunes, une lecture accompagnée (résumés entrecoupés de passages choisis) pourrait être précédée par celle des albums à succès de Lisa Bresner, si proches des enfants avec les petits héros Misako, Mélilotus ou Lily-Rose qui résolvent des énigmes ou combattent les dragons. La légende de la lune-perle ou la leçon de politesse du fou nu sont accessibles à cet âge; de même les qualités contradictoires du bouclier et de l’épée dénoncées par l’enfant.
Plus généralement, les monotypes de cette édition 2017 révéleront que le noir, ni triste ni uniforme, traduit la douceur du clair de lune aussi bien que les ombres mourantes de la nuit, rassure avec la permanence d’un logis aux lignes sombres affirmées ou fait rêver grâce à l’évanescence de fleurs éphémères. Ces estampes sont comme des harmoniques perçus par l’artiste dans la musique des mots qui l’ont touchée. Sa technique aux multiples effets encouragera certains à faire l’expérience de retouches sur simples traînées d’encre.
Les gouaches chinoises publiées en 1996 structuraient le récit du voyage initiatique de l’étranger confronté aux épreuves traditionnelles du genre. Le conte évoque en effet, chemin faisant, l’abandon progressif du projet initial lucratif – et politique – d’un simple commerçant. Au cours de la remontée de la rivière des Perles, il découvre la sagesse orientale, l’art de négocier avec élégance et politesse ; la demeure des mandarins est l’occasion de respecter les humbles et c’est l’empereur qui lui apprend que le détachement envers les choses de valeurs est supérieur à leur possession.
Les adolescents qui ont lu les enquêtes du juge Ti retrouveront l’art subtil de décrypter les apparences en comprenant le sens caché des messages fallacieux portés au gré du vent pour affermir le courage lors du danger et qui n’apparaît qu’avec la restriction finale « … si l’homme à la perle… ».
Sans peine, tous découvriront l’immense culture sous-jacente à cet ouvrage de « passeur » : le sens véritable du titre (nom poétique de la Chine et/ou quatre points cardinaux correspondant aux grandes étendues d’eau, chiffre lui-même associé à la symbolique du lien à la terre et à l’acupuncture); le contexte historique de la découverte mutuelle Orient/Occident rappelé en quelques mots (habits vénitiens, lunette – sachant qu’observer le ciel était un acte sacré – bible jésuite); l’allusion au cycle de l’eau (fleuve, pluie, mer) dans le poème sucré/ salé; et même un haïku puisque l’origine chinoise de ces poèmes populaires japonais est connue par le poème du papillon. Ah ! sous les pivoines mourir ! / Fantôme devenir / Mais galant demeurer.
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