ROMAN GRAPHIQUE – Dès 12 ans
Adam JAROMIR pour les textes
Gabriella CHICHOWSKA pour la couleur et les illustrations
Dorota NOWACKA pour l’animation graphique
Editions Des Ronds dans l’O – 24 €
Voilà un album illustré couleur ghetto qui use de toutes les nuances des tonalités sépia pour dérouler une fresque qui laisse deviner comme en filigrane un monde immobile et intemporel d’où émergent des personnages sans expression.
Ce monde est celui de l’orphelinat du docteur Korczak où du 13 mai au 6 août 1942, deux cents enfants du ghetto de Varsovie trouvèrent refuge.
Le journal intime du bon docteur et celui de la petite Genia sont les chemins de l’écriture qui permettent de pénétrer ce monde immobile et de voir, jusqu’au fond des âmes, ces personnages sans expression dans leur quête pathétique de vivre et d’affirmer une identité dans un ghetto qui entend les couper du monde des vivants.
Les feuilles jaunies d’un éphéméride s’envolent et matérialisent la marche du temps dans cet univers immobile.
Les mots sont forts quand l’humaniste Korczak nous dit que « la guerre crache par milliers des enfants qui sont autant de livres annotés à l’encre noire de la guerre à déchiffrer qui viennent de partout et de nulle part avec des rébus, des énigmes, des pages manquantes…» ou quand le médecin constate avec une ironie pleine de poésie que « leurs plaies sont les stigmates de la faim, que la balance comme la toise montrent qu’ils ne grandissent plus et qu’ils sont vieux avant que d’avoir vécu ».
Le regard porté sur les enfants et leur univers est empreint d’une ironie presque poétique et le pathétique touche souvent à l’absurde quand :
-les artefacts d’une vie tiennent dans un carton à chaussures ou quand on refuse de manger la part de celui qui est mort parce que c’est à lui !
– dire « je suis » quand tout veut me faire dire que « je ne suis rien »
– prier pour se souvenir parce que prier rappelle la maison, la synagogue ou les caresses de la mère
– s’évader par la musique du violon ou la puissance créatrice du dessin
– faire le mur, faire commerce de ses maraudes pour nourrir les siens et se faire héros en triomphant en croquant à belles dents la main du gardien travesti pour la circonstance en Frankenstein de pacotille.
– Avec Mademoiselle Esther et par la magie du théâtre, se projeter dans un univers où ensemble on transcende cet enfermement dans un projet où chacun va au bout de ses forces et apporte la part de rêve qui donne un sens à sa vie.
– Ensemble fuir cet orphelinat qui jour après jour se meut en asile de vieillards pour l’Inde des déesses à huit bras, des oiseaux colorées, des tigres sanguinaires et des éléphants…
Le pays des légendes et des grands poètes…
– Le temps d’une représentation être…
— la jeune fleuriste qui danse des clochettes aux pieds
– -le roi de la danse qui par le jeu des pouces et des doigts de la main éveille la vie
— le fakir qui peut tout, qui ne possède rien mais riche comme un maharadja parce qu’il maîtrise son esprit
–Etre avec Garuda, l’étrange oiseau , celui qui envole le mur et libère du brassard
– Etre quand on ne veut plus que vous soyez !
Voilà un livre beau et difficile qui, au-delà d’une histoire du ghetto de Varsovie, ouvre des pistes de réflexion sur l’horreur et la vanité des murs divers et variés dans lesquels, au-delà de la Shoah, on tente d’enfermer les forces de l’esprit.
Pour tous à partir de 12 ans en sachant que la richesse et la profondeur des thèmes traités offrent une très grande diversité de niveaux de lectures.
Avis
Il n’y a pas encore d’avis.