BIOGRAPHIE – Dès 13 ans **
de Jean Michel LECAT- Dans la série « Culture et Société »
Oskar Éditeur – 9,95€
« A mort Guillaume ! » hurle la foule qui conspue l’Empereur d’Allemagne en ce 9 novembre 1918 mais c’est Guillaume Apollinaire qui s’éteint.
Le « poète soldat trépané » du Chemin des Dames meurt dans son lit de la grippe espagnole…
Sur le chemin du Père Lachaise, le peuple exulte sa victoire.
« Poilus et Gueules cassées » rendent les honneurs militaires à un des leurs pendant que Picasso, Max Jacob, Blaise Cendrars, Fernand Léger autour de Rudy, « la jolie rousse » célèbrent un « Dieu des arts » qui ne voulait pas mourir, lui qui avait tant de choses qu’il n’osait dire et tant d’autres qu’on ne le laissait pas dire.
Lui que De Chirico a peint comme « l’homme cible » .
C’est par un condensé des grandeurs et des horreurs d’un siècle barbare que commence cette biographie thématique et chronologique qui s’organise comme un calligramme en forme de « Babel » surréaliste de lieux, de moments, de fulgurances artistiques fondatrices…d’une poétique nouvelle.
Voilà la Rotonde où l’on boit sec et où Guglielmo, Alberto, Wladimiro, Alessandro Apollinare affiche une haute estime de lui, « lui qui pète comme bois sec dans le feu », qui « emmerde tout le monde et ne doit rien à personne » mais qui se voit comme un métèque apatride écorché vif et angoissé.
Voilà l’homme à femmes qui aime avec démesure « comme le Poulpe du bestiaire ».
Voilà la longue galerie de celles qui nourrissent sa puissance poétique qu’elles lui inspirent la « Chanson du mal aimé » ou qu’il célèbre Madeleine « Tristouse ballerinette dont les yeux sont ses alcools » pendant que « sous le pont Mirabeau coule la Seine ».
Voilà Montmartre et le bateau lavoir, Montparnasse et la Ruche.
Sorties de nulle part voilà « Les demoiselles d’Avignon » et Picasso puis Derain, Braque et Vlaminck qui explosent formes et couleurs.
Apollinaire conjugue, lui, expression graphique et littéraire, voilà les calligrammes et « Alcools » le recueil qui fait scandale car il bannit la virgule.
Voilà les revues et les salons qui nourrissent les innovations et les «scandales ».
Plus fort que Sade voilà « les onze mille vierges » avec leurs seins blancs comme des petits suisses
Voilà la réalité qui dépasse le surréalisme quand la Joconde disparaît et que le génial inspecteur Lépine emprisonne Guillaume !
Apollinaire en sortira détruit car au-delà des querelles littéraires, le Polonais d’origine qu’il est déchaîne vite un antisémitisme qui va pourrir le siècle.
Voilà « la petite auto « qui dit adieu à une époque car c’est la guerre qui vient.
Pour servir la France notre apatride qui aimait tant les arts se fait « artilleur ».
Voilà venus « la chanson fine des balles et l’orchestre d’artillerie », » le ciel étoilé par les obus », « la mitraille qui joue un air à double croches », » les obus qui miaulent »
Jary a inventé le Roi Ubu et la « Pataphysique »…
Apollinaire trépané en appelle au théâtre surréaliste et à Aristophane avec les mamelles de Tirésias pour exalter la natalité au secours d’une France saignée …et puis cette grippe espagnole !
Cette « Babel » biographique est complétée d’un dossier très documenté sur l’organisation du marché de l’art contemporain, une courte biographie des personnages qui apparaissent et un journal de l’actualité année après année de 1900 à 1918.
Nos jeunes lecteurs découvriront, sans doute avec amusement, qu’en 1907 Léon Blum publiait un essai presque surréaliste, intitulé « du mariage » où il préconisait les expériences sexuelles d’avant mariage et où il expliquait qu’il n’est ni plus choquant ni plus difficile d’apprendre à ne pas avoir d’enfants que d’apprendre à les faire !
Un ouvrage exigeant et fort bien fait qui éclaire une période fondatrice de l’art au 20° siècle que l’Histoire de la Grande Guerre (on doit cette appellation à Apollinaire) a un peu occultée.
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