BANDE DESSINÉE – Dès 15 ans **
de Savoia (Scénario et dessin)
Éditions Dupuis – Collection ( Aire Libre) – 20,50€
Voilà un formidable album historique dans lequel deux bandes dessinées enchevêtrées et une communication scientifique donnent à voir, à vivre et à comprendre les quinze années de l’épopée grandiose et pathétique des esclaves oubliés quinze ans sur l’île de Sable, un minuscule îlot corallien perdu au milieu de l’Océan Indien.
Nous sommes en avril 1761 à bord de « l’Utile » dont le capitaine a embarqué clandestinement 160 esclaves et fait route par un itinéraire
détourné vers l’île de la Réunion.
Par le souffle des dessins et la force des mots, Savoia nous plonge dans l’horreur qui est celui de la belle esclave malgache que « des mains
blanches ont plongé dans le monstre de bois où la chaleur et la promiscuité asphyxient les corps et les âmes » puis voilà le naufrage où le flot des hommes s’oppose à celui de l’eau dans un
affrontement dantesque qui s’achève sur la grève où l’on distingue mal les vivants des morts.
Les survivants découvrent un autre enfer, celui d’un univers de sable blanc à peu près stérile où l’alcool autant que la chaleur dissolvent les volontés et ouvrent la voie à toutes les exactions.
La survie va s’organiser, les blancs d’un côté , les esclaves de l’autre, même si le lieutenant réussit contre des promesses vaines à associer tout le monde dans l’utilisation des débris de
l’épave pour construire le navire qui va permettre le départ des blancs.
Les Malgaches restés seuls vont s’inventer et se construire une vie dans une nature aux antipodes de leur riante Madagascar.
L’eau, le feu, la nourriture, puis une certaine forme de métallurgie deviennent des enjeux de la mini société qui s’organise et que chaque cyclone menace de submersion.
Parfois l’instinct prend le pas sur la raison et les âmes faibles succombent à l’illusion d’un départ.
Ils découvriront le désespoir des navires qui passent sans les voir ou de ceux qui les voit sans pouvoir accoster…
Une quinzaine d’années plus tard le bateau sauveur libérera seulement sept femmes et un bébé.
La seconde BD, enchevêtrée dans la première, nous permet de vivre, 245 ans plus tard, avec les archéologues à la recherche des vestiges de cette formidable aventure.
Le dessin prend la forme des croquis qui illustrent les notes de travail ou le journal au quotidien des archéologues lors des quatre campagnes qu’ils vont mener.
Le lecteur découvrira que 245 ans plus tard, il n’est pas plus facile de poser un « Transal’ » que d’accoster sur l’île avec un bateau, que l’isolement et la cohabitation avec les milliers de « Bernard Hermite » est toujours angoissant même si les tortues marines toujours présentes volent parfois au secours de l’archéologie et qu’aussi minuscule que soit l’île, cela fait beaucoup de sable à retourner quand on cherche, même si le travail sera récompensé par l’importance de leur découverte .
C’est l’objet de la communication qui termine l’ouvrage.
Tous les documents mis à jour permettent un récit détaillé, une remise en perspective des événements et la découverte de la formidable capacité d’hommes et de femmes déracinés et coupés du monde à construire une mini société à partir des moyens disponibles.
On notera que l’affaire fit grand bruit et contribuera à nourrir les combats abolitionnistes même si nos sept rescapées durent leur liberté non pas aux droits de l’homme mais au fait que l’achat de ces esclaves était nul du fait qu’il n’avait fait l’objet d’aucun contrat signé… dans le cas contraire c’eût sans doute été une autre affaire !
Cet excellent ouvrage historique, difficile mais passionnant et rigoureux, accompagnera l’exposition qui va se tenir à Nantes du 17 octobre 2015 au 20 avril 2016.
Nous le recommandons aux grands collégiens, aux lycéens et aux adultes.
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