ROMAN – Dès 13 ans
d’ Annelise HEURTIER
Éditions Casterman – Collection (Let’s read) – 14,90 €
Nous sommes en 1931. Edou est un adolescent kanak un peu rebelle.
Quand il apprend que certains de ses camarades sont sélectionnés pour partir montrer la culture de la Nouvelle Calédonie à l’exposition coloniale de Paris, il veut absolument être du voyage.
Parviendra-t-il à ses fins et si oui, l’aventure sera-t-elle aussi exaltante que rêvée ?
De cette histoire fortement inspirée de faits réels, Annelise Heurtier tire un roman d’une redoutable efficacité, montrant les manipulations machiavéliques à l’encontre des peuples des colonies, la fabrique du racisme et la justification de l’assimilation des indigènes à la culture européenne.
Arrivés pour l’exposition coloniale du Bois de Vincennes, mais parqués durant des mois dans des huttes sommaires du jardin d’acclimatation parisien, Edo et ses camarades d’infortune sont sommés d’agir en sauvages dans ce qu’il faut bien appeler un zoo humain.
À moitié nus, sept jours sur sept, ils doivent mimer l’agressivité comme s’ils étaient des cannibales, se peinturlurer, porter des colifichets factices et mimer des danses de guerre inventées de toute pièce…
Tout près d’eux, est installée une autre attraction d’envergure pour le public : des crocodiles !
Cette gigantesque et tragique mascarade, en marge de l’exposition coloniale, devait permettre d’assouvir la curiosité des français pour l’exotisme, et en même temps de renflouer les caisses de la Fédération Française des Anciens Coloniaux.
Des voyageurs ayant séjourné en Nouvelle Calédonie, quelques humanistes non dupes, s’insurgeront et tenteront de dénoncer cette imposture, sans obtenir dans l’immédiat de résultat.
A cette fin, Annelise Heurtier invente un personnage romanesque : Victor, un fils de bonne famille parisienne un peu falot au départ, qui va s’engager pour la défense de cette centaine de Kanaks.
Approchant Edou par curiosité au départ, Victor découvrira avec étonnement que ce dernier n’est pas le personnage qu’il est forcé de jouer.
Son vrai prénom est Edouard, et il parle, il lit, il pense…
Victor lui témoignera attention et respect, et surtout se démènera pour faire connaitre au monde la supercherie.
Il en paiera d’ailleurs très chèrement le prix…
L’éclairage en fin de roman de Pascal Blanchard, historien-chercheur fin connaisseur de ce sujet, comme la lecture romancée de « Cannibale » de Didier Daeninckx (éditions Verdier 1998), permettent d’approfondir utilement le sujet.
« Des sauvages et des hommes » est un ouvrage qui ne laisse pas indifférent et qu’il faut contribuer à faire connaitre pour réhabiliter des peuples durement manipulés au nom d’une idéologie raciale dominante insupportable.
L’intervention d’un personnage « extérieur » (Victor) permet à l’auteure de ne jamais tomber dans le manichéisme et au lecteur de se forger sa propre opinion.
Un roman fort !
Un coup de coeur d’Opalivres ♥ !
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