DOCUMENTAIRE/BANDE DESSINÉE – Dès 9 ans **
Textes de Dominique JOLY
Dessins de Bruno HEITZ
Éditions Casterman – Collection (l’Histoire de France en BD) – 12.95€
«Nous quittons le village pour aller à la ville, on embauche à l’usine !
Finis les travaux des champs et les corvées à la ferme !
« Trois jours de marche, c’est long. Heureusement qu’à l’arrivée, il y aura notre père, qui est employé sur un chantier de chemin de fer. »
« J’ai huit ans. Il parait que moi aussi, je pourrai travailler à l’usine avec maman. »
Le ton est donné, cette brave paysanne qui chemine avec ses deux enfants, sabots aux pieds et baluchon sur l’épaule, nous fait entrer de plein pied dans cette BD historique qui affiche l’ambition de mettre en scène et faire vivre ce XIX° siècle dit de la révolution industrielle.
Le scénario qui court de 1815 à 1900 met en parallèle deux histoires qui finiront par converger.
Celle d’une France politique où des révolutions violentes ponctuent bruyamment des affrontements autour du régime politique du pays…
Celle d’une France où de profonds bouleversements plus silencieux sont à l’œuvre du fait d’un formidable développement des techniques aux conséquences multiples….
La révolution industrielle !
Que l’on ne s’y trompe pas, cet album à lire s’organise d’abord autour d’un exposé très dense des données historiques dans les encadrés qui ponctuent le récit pendant qu’un dessin naïf mais plein d’esprit met en scène les moments forts sans affect ni pathos.
Les dialogues inscrits dans les bulles font parler des personnages qui, par leur bon sens ou leur ton décalé, contribuent à une meilleure compréhension de la question traitée.
L’ouvrage est ponctué de croquis, de représentations graphiques ou de schémas qui explicitent, pour le jeune lecteur, des données techniques complexes ou le champ lexical qui est celui du droit constitutionnel, de l’économie ou de la sociologie dans une société en mouvement.
La France politique, c’est celle de 1815 qui, au sortir de la révolution, n’a pas vraiment trouvé d’équilibre institutionnel et va constamment osciller entre une monarchie plus ou moins constitutionnelle, une république plus ou moins révolutionnaire, quand elle n’est pas tentée par la dictature impériale.
Derrière cette France romantique et depuis la fin du XVIII° siècle, une autre révolution silencieuse est en marche et elle va brutalement s’accélérer tout au long du siècle !
Il y a eu la vapeur et la machine à vapeur, voilà le charbon, l’électricité puis le pétrole qui accélèrent l’essor du machinisme et des techniques.
Tous les secteurs de l’économie sont bientôt touchés, le textile, la métallurgie du fer et de l’acier, les transports. Tout est bouleversé. Tout s’accélère.
Les paysans quittent les campagnes pour aller vivre près des usines ou en ville et ils se font ouvriers. On dira bientôt « prolétaires », celui qui vend sa force de travail contre un salaire dont il dépend maintenant complétement….Qu’une crise survienne et les voilà au chômage…à la rue !
Voilà l’essor du capitalisme et des banques. C’est la loi du toujours plus « toujours plus d’argent, de machines et de profits ». Un sentiment de classe se développe qui va bientôt s’organiser, se développer et peser dans la vie sociale et politique où de nouvelles hiérarchies se mettent en place.
Avec rigueur et talent, les auteurs explorent toutes les dimensions de cette révolution industrielle qui va faire de la France une puissance impérialiste et de Paris une ville lumière dont Napoléon III demande à Haussmann de faire « une ville salubre, aérée, sans ces ruelles étroites où on dresse des barricades…. ! ».
A la fin du XIX° siècle, les deux « France » semblent converger, la République semble avoir, cette fois une assise solide. Elle s’approprie les symboles de la révolution avec sa devise « liberté, égalité, fraternité », son hymne national « la Marseillaise » et fait du « 14 juillet » sa fête nationale.
L’école est gratuite, laïque et obligatoire.
La révolution industrielle a fait de la France une puissance industrielle.
Un certain nombre de lois fondamentales susceptibles de favoriser une meilleure répartition des richesses voient le jour…
C’est « La Belle Epoque »
…Nul ne se soucie encore des ravages que pourrait induire une guerre entre deux nations industrielles…
Voilà un excellent ouvrage qui réussit la gageure d’appréhender toutes les dimensions de la révolution industrielle selon un scénario intelligent, avec beaucoup de rigueur et un graphisme très dynamique.
Nous le recommandons à partir du cours moyen en espérant que les collégiens sauront dépasser le côté un peu enfantin du dessin….Ils ont entre les mains une magnifique déclinaison de leur programme d’histoire !
NB : Si on doit féliciter les auteurs d’avoir souligné la puissance du mouvement artistique qui s’exprime pendant la période mentionnée, on peut regretter que les œuvres soient évoquées de manière abstraite sans que l’on ait eu le souci de montrer les pièces marquantes, soit dans le texte, soit dans une annexe au livre.
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